SOURCE : Chambre sociale de la Cour de cassation du 4 novembre 2020, n° 19-12.775, FS-P+B+I
La mise en place du Comité Social et Economique incombe à l’employeur, il doit donc spontanément prendre l’initiative de l’organisations des élections professionnelles.
Il est néanmoins possible qu’un salarié ou un syndicat invite l’employeur à initier les démarches d’organisations des élections.
A défaut, l’employeur commet une faute qui cause nécessairement un préjudice au salariés privés d’institutions représentatives du personnel.
Dans les faits, l’employeur avait régulièrement procédé à l’organisation des élections professionnelles lesquelles ont abouti à l’élection de 2 délégués du personnel titulaires et 2 suppléants.
Suite aux départs de plusieurs salariés, l’entreprise ne disposait plus que d’un seul délégué du personnel.
Deux ans après, un salarié a sollicité l’organisation d’élections partielles, ce à quoi l’employeur a procédé.
A l’occasion d’un contentieux prud’hommal portant sur la contestation d’un licenciement et d’une demande de dommages et intérêts au titre d’un harcèlement moral, ce salarié sollicitait l’octroi de dommages et intérêts pour défaut de mise en place des élections des délégués du personnel alors que les conditions d’organisation d’élections partielles étaient remplies.
En effet, il résulte des dispositions de l’ancien article L. 2314-7 du Code du travail, applicable au cas d’espèce, que l’employeur a l’obligation d’organiser des élections partielles si, à plus de 6 mois de la fin des mandats en cours, un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus.
En l’espèce, l’employeur ne s’étant pas exécuté a donc commis une faute dont il lui appartient de réparer le préjudice. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’employeur qui, bien qu’il y soit légalement tenu, n’a pas organisé les élections nécessaires à la mise en place des instances représentatives du personnel et n’est pas en mesure de produire un procès-verbal de carence, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts[1].
Cependant cette position prétorienne est-elle applicable en matière d’élections partielles ?
Non, répond la Chambre sociale de la Cour de cassation.
La Haute Cour nuance le caractère automatique du préjudice des salariés né du défaut d’organisation des élections partielles. Ainsi, dans pareil cas, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice lorsque, l’institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l’institution représentative du personnel, les salariés n’étant pas dans cette situation, privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.
Ce n’est donc que lorsque le salarié est privé de toute représentation et possibilité de voir ses intérêts défendus par des élus, droit garanti constitutionnellement et au niveau européen comme le rappelle la Chambre sociale[2], que son préjudice sera incontestable et que l’employeur sera automatiquement tenu pour responsable.
En l’espèce, le salarié n’avait pas été en mesure de démontrer l’existence d’un tel préjudice puisqu’il a été constaté qu’un délégué du personnel était toujours présent dans l’entreprise et que l’employeur avait organisé des élections partielles dès que la demande lui en a été faite.
C’est à notre connaissance la première fois que la Cour de cassation précise les conséquences pour l’employeur de l’absence d’organisation des élections partielles, alors que les salariés n’ont pas été privé de la possibilité d’être représentés ou que leurs intérêts soient défendus.
Cette solution applicable aux anciens délégués du personnel est parfaitement transposable aux élections partielles en matière de Comité Social et Economique[3].
[1] Cass. soc., 17 mai 2011, nº 10-12.852 PB et Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392 PB
[2] – Alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
– Article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
– Articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail
[3] Article L. 2314-10 du Code du travail