Source : CCass, com, 3/03/2021 n°19-10086, publié au Bulletin
Une société a été assignée en référé par deux de ses clients aux fins de dépôt de ses comptes annuels. Les juridictions du fond ont fait droit à cette demande et la société a été condamnée sous astreinte à déposer ses comptes auprès du greffe du tribunal de commerce compétent. Elle a donc formé un pourvoi estimant que ses clients n’étaient pas recevables à formuler une telle demande.
En vertu de l’article L232-23 du code de commerce, toute société par actions est tenue de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés :
Les comptes annuels, le rapport de gestion, le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes annuels, le cas échéant, éventuellement complété de leurs observations sur les modifications apportées par l’assemblée aux comptes annuels qui ont été soumis à cette dernière ainsi que, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés et le rapport du conseil de surveillance ;
La proposition d’affectation du résultat soumise à l’assemblée et la résolution d’affectation votée.
L’article L123-5-1 du même code prévoit « A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires.
Le président peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d’effectuer ces formalités ».
En l’espèce, les clients ont assigné la société, non pas sur le fondement de l’article L123-5-1 du code de commerce, mais sur le fondement de l’article 873 du code de procédure civile qui dispose que « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ». Ils demandaient donc qu’il soit mis fin au trouble manifestement illicite constitué par le défaut de dépôt des comptes par une injonction de déposer ces comptes.
La société estime ainsi que ses adversaires ne pouvaient utiliser que le texte spécifique du code de commerce et non le droit commun pour obtenir sa condamnation et que de surcroît, leur action aurait dû viser le dirigeant et non la société elle-même.
La Cour de Cassation rejette le pourvoi.
Elle estime que c’est à bon droit que la cour d’appel a jugé que les procédures prévues par des dispositions spéciales du code de commerce « ne sont pas exclusives de celle fondée sur les dispositions de droit commun prévues par l’article L. 232-23 du code de commerce, qui font obligation à toute société par actions, et non à son dirigeant, de déposer ses comptes ».
Dès lors que les juridictions du fonds jugent que les demandeurs ont intérêt à agir pour obtenir le dépôt des comptes d’une société défaillante à son obligation légale, l’injonction au dépôt peut être obtenue soit par la procédure spéciale prévue par le code de commerce soit par l’application du droit commun.