Déclaration de créance et interruption de la prescription

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 24 mars 2021, n° 19-23.413, P

 

I – L’espèce

 

L’article L. 622-25-1 du Code de commerce dit pour droit que  la déclaration de créance produit un effet interruptif jusqu’à la clôture de la procédure collective. Au cas présent,  une banque consent en 2006 un prêt à un artisan pour financer l’acquisition d’un immeuble destiné à devenir sa résidence principale. En mars 2012, l’emprunteur procède à une déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble acquis au moyen dudit prêt. L’année suivante, l’artisan-emprunteur est placé en liquidation judiciaire, qui sera clôturée pour insuffisance d’actif en septembre 2017. La banque délivre en février 2018 un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur l’immeuble financé par le prêt avant d’assigner l’emprunteur, en juin de la même année, à l’audience d’orientation du juge de l’exécution. En défense, l’emprunteur va soulever la prescription de l’action.

 

En appel, l’action est déclarée prescrite sur le fondement de l’article L. 137-2 (devenu L. 218-2) du Code de la consommation, qui prévoit que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par 2 ans. De là, les juges du second degré opèrent un double constat : d’une part, la déchéance du terme est intervenue à la date de la liquidation judiciaire, soit en octobre 2013, et, d’autre part, la déclaration d’insaisissabilité réalisée postérieurement au prêt était inopposable au créancier. La cour d’appel conclut donc que lorsqu’elle a déclaré sa créance, la banque n’était pas dans l’impossibilité d’agir sur l’immeuble, ce qui la prive, en l’absence de décision d’admission de sa créance (le passif n’avait été vérifié), du bénéfice de prolongation de l’effet interruptif de prescription jusqu’à la date de clôture de la procédure collective.

 

II – Le pourvoi

 

La banque forme alors un pourvoi en cassation et avance, au contraire, sur le fondement des articles 2234, 2241 et 2242 du Code civil, que l’effet interruptif de la prescription doit se prolonger aussi longtemps qu’il n’est pas statué sur la demande d’admission.

 

L’absence de décision d’admission de la créance permet-elle de prolonger l’interruption de la prescription jusqu’à la clôture de la procédure collective à l’égard du créancier ? La Chambre commerciale répond oui, et donne raison au pourvoi :

 

« Lorsque aucune décision n’a statué sur cette demande d’admission, l’effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective ».

 

La prolongation de l’interruption est ainsi subordonnée à ce qu’aucune décision ne soit rendue à la suite de la demande d’admission effectuée par le créancier. Dans le cas contraire, la même chambre a déjà précisé que c’est la décision ayant statué sur la demande d’admission qui met fin à l’interruption[1].

 

En l’espèce, et comme le rappelait la cour d’appel, le créancier pouvait saisir l’immeuble de son débiteur indépendamment de la procédure collective, puisque la déclaration d’insaisissabilité est inopposable au créancier lorsque sa créance est née antérieurement à la publication de la déclaration[2]. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait dès l’ouverture de la liquidation judiciaire ? C’est une autre bonne question.

 

[1] Cass. com., 12 juill. 2016, n° 15-17.321

 

[2] Cass. com., 5 avr. 2016, n° 14-24.640

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