Le régime de la faute inexcusable est applicable au particulier-employeur selon les mêmes critères que l’employeur professionnel

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation du 8 avril 2021, n°20-11.935 (FS-P)

 

Une salariée embauchée par un particulier-employeur en qualité d’Employée de maison afin d’effectuer le ménage de la résidence secondaire qu’il possède à Auch, a été victime le 13 août 2014 d’un accident du travail : elle a chuté du balcon du 1er étage de la maison où elle se trouvait afin d’exécuter ses tâches ménagères.

 

Suite à cette chute, la salariée a présenté une fracture des vertèbres entraînant une paraplégie complète.

 

Cet accident a été pris en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gers au titre de la législation professionnelle.

 

Après échec de la procédure de conciliation, la salariée a saisi le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale du Gers pour reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de l’accident du travail survenu le 13 août 2014.

 

Sa demande va être accueillie par les juges du fond et notamment par un arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse, en date du 4 décembre 2019, qui souligne :

 

– que les constatations effectuées par les services de police immédiatement après les faits, ont permis d’établir que le balcon est une avancée en bois en mauvais état, que des morceaux de bois jonchaient le sol, que le bois était en piteux état et qu’il se peut que la victime se soit appuyée sur la rambarde qui a cédé,

 

– que la salariée avait pour mission de nettoyer le bureau et d’y mettre de l’ordre, pouvait légitimement se rendre sur le balcon, soit pour secouer des tapis, soit pour aérer la pièce,

 

– et que s’agissant en outre d’une maison de famille, l’employeur ne pouvait sérieusement ignorer la fragilité du balcon en bois, sa famille ayant l’interdiction de pénétrer dans son bureau qui est le seul accès possible au balcon sans son autorisation et hors sa présence.

 

La Cour d’Appel considère en conséquence que faute pour l’employeur de rapporter la preuve qu’il lui incombait, qu’il avait mis en garde la salariée sur la dangerosité éventuelle du balcon en bois, le manquement reproché à son obligation de sécurité est caractérisé, est la cause de l’accident de travail, et constitue une faute inexcusable retenue à l’égard du salarié.

 

En suite de cette décision, le particulier-employeur forme un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il prétend que les particuliers-employeur ne sont pas soumis à l’obligation de sécurité telle que définie aux articles L4121-1 et L4121-2 du Code du Travail, et qu’en outre la faute inexcusable prévue par l’article L452-1 du Code de la Sécurité Sociale est une faute d’une gravité exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience que devait avoir son auteur du danger qui pouvait en résulter et de l’absence de toute autre cause justificative, acte ou omission volontaire, nullement relevé à son encontre.

 

Il prétend également qu’étant simple particulier-employeur, il n’avait pas conscience d’une dangerosité particulière de la rambarde, qui n’était qu’éventuelle, alors même que ce balcon avait été escaladé par un cambrioleur puis par la police sans montrer la moindre fragilité quelques mois auparavant, ce qui était de nature à exclure concrètement pour un non-professionnel tout doute sur sa dangerosité éventuelle.

 

Mais la Cour ne va pas suivre le particulier-employeur dans son argumentation.

 

Enonçant que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle le particulier-employeur est tenu envers l’employée de maison, a le caractère d’une faute inexcusable au sens l’article L452-1 du Code de la Sécurité Sociale lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis l’employé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver,

 

Soulignant que les constations effectuées par les services de police immédiatement après les faits ont permis d’établir que le balcon est une avancée en bois en mauvais état, que les morceaux de bois jonchent le sol, le bois en piteux état, et qu’il se peut que la victime se soit appuyée sur la rambarde qui a cédé,

 

Soulignant que l’employeur qui réside à Paris mais qui se rend dans la résidence secondaire dont il est propriétaire avec sa famille, ne pouvait pas ignorer l’état de cette rambarde qui n’a pu se détériorer en quelques mois mais dont la vétusté est certaine,

 

Elle considère qu’il s’en déduit que l’employeur était conscient du danger ou qu’il aurait dû, à tout le moins, être conscient du danger auquel son employée était exposée dans le cadre de ses attributions ménagères,

 

Soulignant que si l’employeur n’était pas présent dans la pièce au moment de l’accident, il lui appartenait de prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver son employée en condamnant l’accès au balcon, ou en lui interdisant l’accès à ce balcon, ou en la mettant en garde sur la dangerosité des lieux, alors que dans le cas présent le balcon était libre d’accès et qu’aucune information ou consigne n’avait été donnée à l’employée chargée de nettoyer la pièce servant de bureau,

 

En conséquence, la Cour d’Appel a pu valablement considérer que l’employeur a commis une faute inexcusable, ses constatations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de faits et de preuves qui lui étaient soumis.

 

Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.

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