Lanceur d’alerte et salarié protégé : La double protection

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Conseil d’Etat 27 avril 2022 n° 437735

En l’espèce, un salarié employé par un organisme de formation professionnelle en qualité d’ ingénieur chargé d’assurer le pilotage de formations en informatique, membre du CSE et donc salarié protégé, signale que certains salariés et  responsables de l’entreprise  ont commis des faits pouvant relever d’une qualification pénale.

Il alerte le Commissaire aux comptes, le Préfet de région, le Procureur de la République, l’URSSAF, le Centre des Impôts,  l’Inspection du Travail.

L’employeur demande à l’Inspecteur du Travail l’autorisation de licencier le salarié protégé pour faute, motif pris de ces multiples signalements : celui-ci refuse.

Saisie, la ministre du Travail de son côté annule le refus d’autorisation de licencier et autorise le licenciement du salarié.

Le salarié saisit sans succès le tribunal Administratif d’un recours pour excès de pouvoir.

La Cour Administrative d’Appel ne lui donne pas davantage raison.

Celle-ci relève que la ministre du travail relevant que les accusations de détournement de fonds et d’abus de biens sociaux ne sont étayés par aucun élément probant, mettent en cause la probité des salariés désignés et portent atteinte à l’image et la réputation de l’entreprise a pu conclure que ces faits justifiaient le licenciement pour faute du salarié .

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt  :

Il rappelle que lorsque le licenciement est motivé par une faute du salarié, il appartient à l’inspecteur du Travail saisi de rechercher si les faits sont d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement.

Il cite les dispositions de l’article L 1132-3-3 du Code du Travail dans sa rédaction issue de la loi du 6 décembre 2013 aux termes duquel aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Et précise les étapes du raisonnement que doit entreprendre l’autorité administrative à savoir :

Il lui appartient de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si :

  les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit,

  le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et

  il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’autorité administrative doit refuser d’autoriser ce licenciement.

Le Conseil d’Etat ajoute : le juge doit former sa conviction sur l’ensemble des pièces du dossier.

L’aménagement de la charge de la preuve fixé par l’article L 1132-3-3 n’est pas applicable lorsque la mesure contestée par le salarié est expressément fondée sur le signalement, ce qui est le cas en l’espèce puisqu’il a été licencié pour avoir dénoncé des faits qui ne seraient pas selon l’employeur fondés.

Il annule la décision de la Cour d’Appel Administrative de PARIS : celle-ci aurait dû rechercher si les dispositions de l’article L 1132-3-3 du Code du Travail faisaient obstacle à ce que l’autorité administrative autorise le licenciement du salarié.

Ainsi, la démarche consiste non seulement à examiner les règles applicables au salarié protégé mais également celles applicables au lanceur d’alerte.

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