L’action du maître d’ouvrage public contre un constructeur se prescrit par dix ans à compter de la réception des travaux, même si elle ne concerne pas un désordre de nature décennale.
Source : CE, 12 avr. 2022, n° 448946
Dans un arrêt du 16 janvier 2020, la Cour de cassation s’est prononcée sur le délai de prescription applicable aux recours entre constructeurs, ou à l’encontre de leurs sous-traitants. Les recours exercés par les constructeurs entre eux relèvent de la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du Code Civil et non de la prescription décennale de l’article 1792-4-3 du même code.
Le Conseil d’Etat est venu préciser que la prescription de droit commun de 5 ans n’avait vocation à s’appliquer qu’aux recours entre constructeurs, mais ne concernait pas l’action en responsabilité engagée par le maître de l’ouvrage public contre un constructeur ou son sous-traitant qui se prescrit par 10 ans à compter de la réception des travaux (C. civ., art. 1792-4-3).
L’arrêt commenté, mentionné aux tables du recueil Lebon, entérine donc le principe récemment rappelé par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-25.915).
En l’espèce, un maître de l’ouvrage public avait été définitivement condamné à verser 660 218,26 euros à une entreprise titulaire d’un lot au titre de divers surcoûts.
Le maître d’ouvrage s’est ensuite retourné contre le groupement de maîtrise d’œuvre considérant que ses membres étaient à l’origine des manquements ayant entraîné sa condamnation.
En appel, l’un des membres du groupement a été condamné à garantir intégralement le maître d’ouvrage.
Un pourvoi en cassation a été formé.
Le membre du groupement de maitrise d’œuvre condamné a reproché à la Cour administrative d’appel d’avoir écarté l’application du délai de prescription de 5 ans prévu par l’article 2224 du code civil au profit de celui, décennal, de l’article 1792-4-3.
Son pourvoi a néanmoins été rejeté.
L’article 1792-4-3 du code civil dispose que « en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ». Le Conseil d’État a précisé que ces dispositions avaient vocation à s’appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.
En l’espèce, l’action en responsabilité contractuelle sur laquelle la cour administrative d’appel s’est prononcée était dirigée par le maître de l’ouvrage contre certains membres du groupement de maîtrise d’œuvre ayant la qualité de constructeurs au sens de l’article 1792-4-3 du code civil.
Elle relevait donc de cet article, alors même qu’elle ne concernait pas un désordre affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Le Conseil d’État en déduit que la cour administrative d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit.