Le contrat passé entre le concessionnaire et une personne privée pour la construction, l’exploitation ou l’entretien de l’autoroute relève désormais de la compétence du juge judiciaire, sauf conditions particulières

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

 

SOURCE : TC, 9 mars 2015, Mme R. c/ Société Autoroutes du Sud de la France, n°3984.

 

En l’espèce, Mme R. avait conclu avec la Société Autoroutes du Sud de la France une convention dont l’objet portait, moyennant une rémunération forfaitaire, sur la réalisation d’une série d’esquisses, ainsi que d’une maquette d’une sculpture monumentale.

 

Ces travaux préparatoires avaient été commandés par la Société ASF, devenu par la suite concessionnaire de l’autoroute A89, dans le cadre des obligations faites aux sociétés concessionnaires d’autoroutes de consacrer aux œuvres d’art une part du montant des travaux de construction de la liaison autoroutière.

 

A la suite des travaux de construction des ouvrages autoroutiers, la Société ASF avait informé Mme R qu’elle abandonnait le projet de création des œuvres d’art, dont les travaux préparatoires avaient été commandés.

 

Après que chacun des deux ordres de juridictions ait été saisi par Mme R., et qu’il ait décliné sa compétence pour statuer sur sa demande en réparation des préjudices consécutifs à la résiliation de la convention que celle-ci soutenait avoir conclu en vue de la réalisation d’une œuvre d’art, le Tribunal des conflits s’est alors prononcé sur la question.

 

Dans son arrêt du 9 mars 2015, le Tribunal a tranché en faveur de la compétence du juge judiciaire, s’agissant de la conclusion d’un contrat passé entre une société concessionnaire d’autoroute et une autre personne privée, en vue de la construction, l’exploitation ou l’entretien de l’autoroute.

 

Ce n’est désormais que dans l’hypothèse où des « conditions particulières » révèlent l’existence d’un mandat exercé par le concessionnaire pour le compte de la personne publique, que le contrat revêt un caractère administratif et relève donc de la compétence du juge administratif :

 

« Considérant qu’une société concessionnaire d’autoroute qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l’exploitation ou l’entretien de l’autoroute ne peut, en l’absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l’Etat ; que les litiges nés de l’exécution de ce contrat ressortissent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ;(…)».

 

C’est ainsi un revirement de la fameuse jurisprudence Peyrot qu’opère la décision présentement commentée.

 

Puisqu’ il est rappelé qu’avec la décision du 8 juillet 1963, Société entreprise Peyrot, le Tribunal dérogeait au principe selon lequel un contrat conclu entre deux personnes privées ne peut revêtir le caractère d’un contrat administratif.

 

En effet, dans la mesure où selon le Tribunal, la construction des autoroutes comme la construction des routes nationales relevait d’une mission appartenant « par nature » à l’Etat, et qu’il n’y avait donc pas lieu de distinguer selon que la construction était assurée directement par l’Etat ou par un concessionnaire_ dès lors que celui-ci agissait nécessairement en réalité pour le compte de l’Etat_, le contrat conclu pour l’exécution des travaux nécessaires à la construction de l’autoroute revêtait alors un caractère administratif dont seul le juge administratif avait à connaître.

 

Désormais, l’existence d’un mandat ne se déduirait plus implicitement de la seule nature de l’opération de travaux autoroutiers, et pour cause.

 

Les travaux de construction autoroutière sont désormais de plus en plus fréquemment concédés aux sociétés purement privées (l’exécution en régie directe étant alors devenue l’exception), et surtout l’existence d’un mandat implicite s’accorderait mal avec le principe récemment énoncé par le Tribunal selon lequel un concessionnaire agit pour son propre compte et non pour celui de la personne publique concédante[1].

 

Ce n’est donc que dans l’hypothèse où des conditions particulières révèleraient l’existence d’un mandat donné par la personne publique que le contrat devra être considéré comme étant un contrat administratif, et devant être soumis au droit public.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats

 


[1] TC, 9 juillet 2012, Compagnie des eaux et de l’ozone, n° 3934

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