C’est le sens de l’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 11 juillet 2024.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 23-12.491, Publié au bulletin
I –
Une société maître d’ouvrage a confié en 2010 à un constructeur la fourniture et pose de panneaux photovoltaïques sur les toitures de deux bâtiments agricoles appartenant à un exploitant.
Se plaignant de dysfonctionnements affectant la production d’énergie de l’installation, le maître d’ouvrage a sollicité l’organisation d’une expertise judiciaire.
II –
Après dépôt du rapport, le maître d’ouvrage a assigné l’assureur décennal du constructeur en réparation sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du Code Civil.
Il convient de préciser qu’en cours d’instance l’exploitant et le maître d’ouvrage ayant sollicité l’installation des panneaux solaires, ont conclu un bail emphytéotique portant sur l’emprise des panneaux photovoltaïques et leurs accessoires.
III –
La Cour d’appel a condamné l’assureur de l’entreprise de construction à indemniser le maître d’ouvrage.
L’assureur a formé un pourvoi en cassation en soutenant que « la loi attache l’action en garantie décennale à la propriété de l’ouvrage, que, si les droits réels temporaires dont dispose l’emphytéote sur l’installation qu’il a réalisée sur le bien donné à bail peuvent éventuellement lui permettre de revendiquer le bénéfice de la garantie décennale, en cas de désordres affectant cette installation, ils ne peuvent, par principe, l’autoriser à se prévaloir de cette garantie afin d’obtenir réparation de désordres affectant le bien préexistant, et survenus antérieurement à la signature du bail. »
IV –
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l’assureur au visa des dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime tout en rappelant l’objet même du bail emphytéotique qui est une convention par laquelle le bailleur transfère au preneur, pour une durée supérieure à dix-huit ans et pouvant aller jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans, la charge de l’entretien et de la valorisation d’un patrimoine immobilier en conférant à celui-ci un droit réel, cessible, saisissable et susceptible d’hypothèque lui permettant notamment, sauf clause contraire, de profiter de l’accession pendant la durée de l’emphytéose et d’acquérir au profit du fonds des servitudes actives et de les grever, par titres, de servitudes passives, pour un temps n’excédant pas la durée du bail, en contrepartie de l’accession sans indemnité en fin de bail de tous travaux et améliorations réalisés par le preneur au profit du bailleur.
En outre la Cour rappelle que « sauf stipulation contraire, le preneur est tenu de toutes les contributions et charges de l’héritage et des réparations de toute nature tant en ce qui concerne les constructions existant au moment du bail que celles qui auront été élevées en exécution de la convention, mais il n’est pas obligé de reconstruire les bâtiments détruits par cas fortuit, force majeure, ou par un vice de construction antérieur au bail. »
En conséquence, par l’effet du bail, intervient le transfert du bailleur au preneur des actions en garantie décennale et réparation à raison des désordres affectant les ouvrages donnés à bail.
L’entreprise ayant initié la réalisation des travaux de construction des panneaux solaires, preneur à bail des ouvrages existant, est donc recevable à agir à l’encontre de l’assureur décennal de l’entreprise de construction, cette dernière ne se prévalant par ailleurs d’aucune stipulation par laquelle le bailleur se serait réservé l’action en garantie décennale sur les ouvrages existant au moment du bail.