La signature d’une rupture conventionnelle contrainte par un harcèlement sexuel doublée d’inertie de l’employeur est viciée.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Chambre sociale de la Cour de cassation du 4 novembre 2021, n° 20-16.550

 

Une salariée, victime d’agissements de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique dénonce les faits à son employeur en lui demandant d’intervenir pour faire cesser les agissements.

 

Finalement, une rupture conventionnelle intervient entre les parties.

 

Considérant que son consentement avait été vicié, la salariée a saisi le Conseil de Prud’hommes sollicitant l’annulation de la rupture conventionnelle, ainsi que les dommages et intérêts y afférents (indemnité compensatrice de préavis, indemnité pour licenciement nul).

 

Deux types d’arguments peuvent permettre d’obtenir la nullité de la rupture conventionnelle : l’absence de libre consentement et le non-respect de la procédure applicable à ce mode de rupture du contrat de travail.

 

L’article L.1237-11 du Code du travail précise que la rupture conventionnelle ne peut être imposée à l’une ou l’autre des parties et ne peut donc souffrir d’un vice de consentement tel que l’erreur, le dol et la violence au sens des dispositions de l’article 1130 du Code civil.

 

Pour autant, il a déjà été jugé[1] que l’existence de faits de harcèlement ne rendait pas automatiquement nulle la rupture conventionnelle, il appartient au salarié de démontrer que ce harcèlement a bien vicié son consentement.

 

L’employeur a d’ailleurs tenté de convaincre les juges du fond, selon lequel la salariée avait accepté la rupture conventionnelle de son contrat de travail pour rejoindre son conjoint, récemment muté. L’employeur a également invoqué que la salariée n’avait pas dénoncé les faits dans son courriel de sollicitation de la rupture conventionnelle, ni exercé son droit de rétractation au cours de la procédure.

 

La cour d’appel retient que l’existence d’une situation de faiblesse de la salariée du fait de la dénonciation des actes de harcèlement sexuel de son collègue et de l’absence de soutien de la part de son employeur, averti quelques jours auparavant des faits reprochés à ce dernier, caractérisait une violence morale, impliquant que la salariée n’avait pu librement consentir à la rupture conventionnelle.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur soutenait que l’existence d’un différend entre les parties[2] n’affectait pas la validité de la rupture conventionnelle, dès lors qu’il n’avait commis aucune violence ou pression à l’égard de la salariée.

 

La Cour de cassation relève ici que, l’employeur avait été informé par la salariée de faits précis et réitérés de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, n’avait mis en œuvre aucune mesure en vue de prévenir de nouveaux actes et de protéger la salariée.

 

Par conséquent, l’inertie de l’employeur a placé la salariée dans une situation insupportable, de sorte qu’elle n’a eu d’autre choix que d’accepter la rupture conventionnelle dont le consentement ne pouvait être libre et éclairé.

 

Ainsi, il faut en déduire que si la violence n’a pas émané de l’employeur lui-même, c’est son manquement à l’obligation de sécurité qui est sanctionné.

 

La solution aurait sans doute été différente, si malgré la mise en place de mesures de protection (enquête, mise à l’écart de l’harceleur, etc..), la salariée avait signé une rupture conventionnelle.

 

[1] Cass.soc.28 janvier 2016, n°14-10.308 / Cass.soc.08 juillet 2020, n°19-15.441 et Cass.soc.23 janvier 2019, n°17-21.550.

 

[2] Cass.soc.23 mai 2013, n°12-13.865.

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