SOURCE : Cass.com., 22 janvier 2013. Pourvoi n° KJ 10-14.354. Arrêt n° 74 F-D
La Cour de Cassation a été amenée à se prononcer sur la qualité d’emprunteur averti, d’un Huissier, qui est généralement un professionnel du droit, mais qui peut également exercer son ministère en qualité d’associé d’une Société Civile Professionnelle d’Huissiers de Justice
En l’espèce, une banque a consenti un prêt à un Huissier de Justice dont l’objet est le financement de l’achat d’un droit de présentation de clientèle.
Ce prêt est garanti par une affectation hypothécaire d’un immeuble appartenant en indivision à l’Huissier.
A la suite de la défaillance de l’Huissier dans le remboursement de son prêt, la banque a poursuivi la vente forcée de l’immeuble donné en garantie.
L’Huissier a alors assigné la banque pour voir engager la responsabilité de la banque, pour manquement à son devoir de conseil, lors de l’octroi du prêt.
Les juges du fond ont considéré que l’Huissier avait la qualité d’emprunteur averti et l’ont débouté de ses demandes.
L’huissier forme alors un pourvoi en cassation faisant grief à la Cour d’Appel d’avoir retenu :
– Que la banque auquel il appartient de démontrer avoir rempli son obligation de conseil n’est dispensé de cette obligation que si son client a la qualité d’emprunteur averti et non pas seulement celle de professionnel du droit. Qu’en l’espèce, la Cour d’Appel pour débouter l’Huissier de ses demandes a retenu que sa seule qualité de professionnel du droit ;
– Que l’obligation de mise en garde oblige le banquier à s’assurer que la charge annuelle de remboursement n’est pas excessive. Qu’en l’espèce, la Cour d’Appel n’a pas recherché si la charge de remboursement du prêt, en s’ajoutant aux autres charges engendrées par l’Etude d’Huissier de Justice pouvait être supportée par l’exploitation de l’Etude à l’acquisition de laquelle le prêt était affecté.
La Cour de Cassation, approuvant la Cour d’Appel, rejette le pourvoi.
Pour retenir le caractère d’emprunteur averti de l’Huissier, la Cour de Cassation relève que la Cour d’Appel ne s’est pas fondé uniquement sur la seule qualité d’Huissier de Justice, mais a également relevé, qu’avant la souscription de l’emprunt, l’Huissier avait non seulement exercé en qualité d’associé d’une SCP d’Huissiers de Justice, mais encore qu’il avait lui-même cédé ses parts dans ladite SCP.
Du fait de sa qualité d’associé, il cumulait l’expérience professionnelle d’un professionnel du droit chargé de recouvrer les créances impayées avec celles de gestionnaire d’une Etude.
Du fait qu’il ait cédé ses parts dans la SCP, il était en sa qualité de vendeur, plutôt informé des cours actuels de la valeur des droits de présentation ou des parts d’une SCP d’Huissiers, mais aussi de la situation financière de l’Etude dont il avait fait l’acquisition au moyen des pièces qui lui avaient été communiquées par le liquidateur, justifiant qu’il ne pouvait ignorer le rendement économique instable d’une entreprise en redressement judiciaire.
Geneviève FERRETTI
Vivaldi-Avocats