La règle de l’unanimité du vote des associés en société civile

Eléonore CATOIRE
Eléonore CATOIRE - Avocat

Source : Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 5 janvier 2022, N°20.17.428

 

A l’origine de ce contentieux, les associés d’une SCI adoptent des résolutions portant sur l’approbation de comptes sociaux, sur le quitus donné aux mandataires (cogérant, et administrateur provisoire), sur l’affectation des résultats, et la rémunération d’un mandataire.

 

Outrepassant les simples pouvoirs des cogérants, ces décisions se devaient d’être prises à l’unanimité, conformément aux dispositions de l’article 1852 du Code civil, qui prévoient strictement que :

 

« Les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires, ou en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés ».

 

L’une des associés assigne la SCI, représentée par son administrateur provisoire, en annulation de l’assemblée générale, et invoque comme fondement le non-respect de la fameuse règle de l’unanimité des votes des associés de société civile.

 

Le droit prétorien a ainsi eu à déterminer si l’unanimité des associés s’entendait au sens strict, c’est-à-dire, à tous les associés existant dans la société, donc à toutes les parts sociales émises, ou au sens pratique, c’est-à-dire, à tous les associés présents ou représentés à l’assemblée.

 

La demanderesse plaidant pour la première option, quand la défenderesse affirmait être dans son bon droit en ayant appliqué la seconde option. A l’appui de son argument, elle invoquait la clause statutaire précisant que :

 

« toutes décisions qui excèdent les pouvoirs de gestion sont prises à l’unanimité des voix attachées aux parts créées par la société. Chaque part donne droit à une voix. »

 

Cette nuance a en réalité toute son importance puisque, couplé au dernier alinéa de l’article 1844-10, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2019.486, du 22 mai 2019, le non-respect de la règle de l’unanimité de l’article 1852 précité peut engendrer la nullité des délibérations.

 

L’alinéa de l’article 1884-10 prévoyait :

 

« La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent titre ou de l’une des causes de nullité des contrats en général. »

 

Jouant sur le caractère non « impératif » de la règle de l’unanimité des votes, la SCI rejetait l’idée même d’une sanction de l’assemblée générale par la nullité.

 

La Cour de cassation suit l’interprétation donnée par la Cour d’Appel et affirme :

 

  S’agissant de l’unanimité réclamée :

 

« 6. Aux termes de l’article 1852 du code civil, les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés.

 

7.  Ce texte ne restreint pas l’unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais vise la totalité des associés de la société ».

 

8.  La cour d’appel a retenu que, les statuts de la SCI ne prévoyant aucune disposition particulière pour l’approbation des comptes, qui constitue une décision excédant les pouvoirs reconnus aux gérants, cette approbation devait être décidée à l’unanimité des associés 

 

9.  Elle a, ensuite, souverainement retenu, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, que la clause des statuts stipulant que « toutes décisions qui excèdent les pouvoirs de gestion sont prises à l’unanimité des voix attachées aux parts créées par la société. Chaque part donne droit à une voix. », qui s’appliquait aux décisions portant sur le quitus donné à l’administrateur et la distribution des résultats, imposait l’unanimité des voix attachées aux parts créées par la société et non l’unanimité des voix des seuls associés présents à l’assemblée générale.

 

10.  Elle a constaté que ces décisions n’avaient pas été prises à l’unanimité des voix de l’ensemble des associés».

 

Les juges du Quai de l’Horloge ont soutenu la Cour d’Appel, directement en ces termes :

 

« 11. Elle en a exactement déduit que les délibérations litigieuses avaient été adoptées en violation des règles statutaires et de la règle de l’unanimité des associés prévue par l’article 1852 du code civil ».

 

L’unanimité concerne donc l’intégralité des associés de la société, et pas seulement les associés présents ou représentés.

 

  S’agissant de la sanction :

 

La Cour de cassation confirme la sanction de la règle de l’unanimité par la nullité de l’assemblée générale. Elle indique directement :

 

« 4. Aux termes de l’article 1844-10, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du titre neuvième du livre troisième du code civil ou de l’une des causes de nullité des contrats en général.

 

15. Le principe d’unanimité, posé par l’article 1852 du code civil, à défaut de dispositions statutaires, pour prendre des décisions collectives qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants, relève des dispositions impératives au sens de l’article 1844-10 précité.

 

16.  La violation de ce principe ou des règles statutaires qui l’aménagent est sanctionnée par la nullité.

 

17.  La cour d’appel a exactement retenu que la violation des règles statutaires et légales relatives à l’adoption, par l’assemblée générale, des décisions excédant les pouvoirs du gérant relatives à l’approbation des comptes des exercices 2011 à 2014, au quitus donné aux gérants et à l’administrateur pour ces exercices, à l’affectation des résultats de l’exercice 2014 et à la fixation des honoraires de l’administrateur, était sanctionnée par la nullité ».

 

En conclusion, à défaut de stipulations statutaires contraires, une société civile ne peut se satisfaire de l’unanimité des associés « présents ou représentés », excluant de fait le reste des associés absents, pour voter les décisions outrepassant les pouvoirs de son gérant.

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