SOURCE : 1ère civ, 16 janvier 2013, n°11-27837, FS – P+B+I
Conformément à l’article L. 2122-22 du CGCT, un maire avait été autorisé par le conseil municipal à conclure un bail commercial sur un immeuble ressortissant du domaine privé de la commune. Il avait cependant conclu un crédit-bail immobilier sur le bien au lieu d’un bail commercial. 8 ans plus tard, menacé par une procédure de résiliation du crédit bail pour non paiement des loyers, le crédit preneur sollicite la nullité du contrat et restitution des loyers payés, en raison de l’absence de consentement de la commune s’agissant de cette convention.
Pour le crédit preneur, la conclusion du contrat de crédit bail par le maire, qui ne disposait pas d’une délibération conforme du conseil municipal, est contraire à l’ordre public et entache l’acte de nullité absolue, conformément aux dispositions des article L212-21 et L2121-29 du CGCT.
Sans doute au regard des circonstances de fait, les juges du fond déboutent le crédit preneur de ses prétentions. Pour la Cour d’appel de Grenoble, « la nullité, même d’ordre public, qui peut affecter le contrat litigieux étant édictée au seul profit de la collectivité publique, la société, cocontractante de la commune et non pas tiers au contrat, n’est pas recevable à s’en prévaloir dans le seul but, parfaitement étranger à l’intérêt général qu’elle invoque, d’échapper aux stipulations d’un contrat qu’elle a librement signé et exécuté pendant huit années ».
L’erreur obstacle de la commune, au titre des dispositions de l’article 1108 du Code civil, ne permettrait donc qu’à la commune ou à tout tiers à la convention, de demander la nullité du contrat.
Cette position n’est pas celle de la Cour de cassation : « la méconnaissance des dispositions d’ordre public relatives à la compétence de l’autorité signataire d’un contrat conclu au nom de la commune est sanctionnée par la nullité absolue, en sorte qu’elle peut être invoquée par toute personne (…)».
En conséquence, l’arrêt de la Cour d’appel est cassé : le crédit preneur pouvait parfaitement invoquer la nullité de la convention, sans avoir besoin d’un intérêt légitime autre que la préservation de l’ordre public.
Cette décision pouvait s’expliquer par la différence importante existant entre un bail commercial et un crédit bail immobilier : Si le crédit bail, opération financière ayant pour objet l’acquisition d’un immeuble peut, dans certains cas, ressembler à un contrat de bail commercial assorti d’une opération de financement et d’une promesse de vente[1], « cette convention constitue une institution particulière tendant à l’acquisition de la propriété des murs »[2]. Dans ces conditions, le maire n’avait pas le pouvoir d’aliéner un bien communal, ni même de consentir à une promesse de vente concernant l’immeuble. La nullité absolue de la convention s’imposait.
La Cour de cassation va cependant plus loin que le cadre de la présente espèce, au regard de la publication large de cette décision, et considère expressément que la nullité absolue doit sanctionner toute convention conclue en méconnaissance des dispositions d’ordre public relatives aux règles de compétence de signature au nom de la commune.
Remarque : La cassation de l’arrêt intervient également sur le fondement de l’article L2131-1 du CGCT, dès lors que la délibération du conseil municipal a été transmise au préfet après la signature du crédit bail, alors que la disposition précitée prévoit cette communication préalablement.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats