La facturation d’une marge entre sociétés liées et l’acte anormal de gestion

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

Source : Conseil d’État, 13 février 2020, n°418365, Inédit au recueil Lebon

 

  Rappel des faitsLa société anonyme SOCALI a pour activité le négoce de bouchons de liège importés du Portugal. Elle s’approvisionne auprès de la société de droit espagnol EMPORDA CORK qui réalise une marge brute de 15% à la revente. Les sociétés SOCALI et EMPORDA CORK partagent le même dirigeant. À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé qu’il n’était pas établi que cette marge de 15% présentait une contrepartie matérielle pour la société SOCALI et a regardé l’engagement des dépenses correspondantes comme constitutif d’un acte anormal de gestion, justifiant leur réintégration dans les bénéfices imposables de la société SOCALI. Par suite, elle a mis à la charge de la société SOCALI des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40% pour manquement délibéré. La société SOCALI se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 19 décembre 2017 rejetant son appel contre le jugement du 23 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et, à titre subsidiaire, à la réduction de la base d’imposition retenue pour leur calcul.

 

  La décision du Conseil d’État

 

Le Conseil d’État rappelle les termes de l’article 39 du Code Général des Impôts, applicable pour la détermination de l’impôt sur les sociétés :

 

« 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment :

 

1° Les frais généraux de toute nature […] »

 

En vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, il incombe à chaque partie d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de ses prétentions, en revanche, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne saurait être réclamée qu’à celle-ci.

 

Dès lors, il appartient au contribuable de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

 

Le contribuable peut apporter cette justification par la production de tout élément suffisamment précis.

 

Le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui résultant des opérations de toutes natures faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale.

 

Ainsi, constitue un acte anormal de gestion, l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

 

En principe, les renonciations à recettes ou les abandons de créances consentis par une entreprise ne relèvent pas d’une gestion commerciale normale.

 

En l’espèce, la Cour a estimé que :

 

« Si, en vertu du contrat la liant à la société SOCALI, la société espagnole EMPORDA CORK était chargée de diriger les prélèvements et les analyses du liège portugais acquis par la société française, la teneur du rôle exact de la société espagnole dans la réalisation de ces opérations de contrôle n’était pas établi, dès lors notamment que l’administration avait fait valoir que cette société était domiciliée dans un cabinet de conseil et n’avait pas de salariés et que la marchandise était directement livrée du Portugal en France ».

 

En outre, la Cour a relevé :

 

« Que la société SOCALI n’établissait pas la réalité des prestations facturées par la société espagnole en se bornant à soutenir que la création de cette société lui avait permis d’intégrer les réseaux économiques catalans du secteur du liège et, par suite, de développer son activité ».

 

En conséquence, la Cour a pu, par une décision suffisamment motivée et sans commettre d’erreur de droit, ni inexactement qualifier les faits qui lui étaient soumis, jugé que l’administration fiscale établissait que le paiement par la société SOCALI à la société EMPORDA CORK des sommes en litige correspondant à la marge brute réalisée par la société espagnole sur la revente à la société française du liège acheté au Portugal, constituait un acte anormal de gestion.

 

Le Conseil d’État rejette le pourvoi de la société SOCALI.

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