L’étalement des ventes sur une longue période : impact sur la qualification de marchand de biens ?

Coralie MOREAU
Coralie MOREAU - Avocat

Le tribunal administratif vient juger que la qualification de marchand de biens peut être retenue dès lors que les ventes se sont répétées fréquemment même si celles-ci étaient étalées sur une période de plusieurs décennies.

Tribunal administratif de Toulon, 22 décembre 2023, n° 2100544

Pour rappel, dès lors qu’une société civile, pour laquelle le bénéfice est habituellement imposé entre les mains des associés à l’impôt sur le revenu, réalise de manière habituelle des achats et des reventes de biens immobiliers, de fonds de commerce, d’actions ou de parts de sociétés immobilières, celle-ci devient assujettie à l’impôt sur les sociétés (CGI, article 206-2). Il est ainsi considéré que la société civile réalise une activité de « marchand de biens ».

Pour être qualifié de « marchand de biens », les conditions sont les suivantes :

  • Les opérations d’achat et de revente ont un caractère habituel ;
  • Les opérations présentent une intention spéculative / une intention de revendre à un prix plus élevé que lors de l’acquisition. Cette condition s’apprécie à la date d’acquisition des biens.

En l’espèce, à la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a qualifié les ventes de terrains réalisées par la SCI comme des opérations commerciales, soumises de ce fait à l’impôt sur les sociétés et à la TVA.

Le gérant de la SCI a demandé au tribunal la décharge de ces impositions en argumentant que la société civile n’a pas une activité pouvant être qualifiée de commerciale et qu’elle ne peut de ce fait être passible de l’impôt sur les sociétés.

Afin de rendre sa décision, le Tribunal regarde si les deux critères sont satisfaits afin de pouvoir qualifier l’activité exercée par la SCI de « marchand de biens ».

Le tribunal souligne que les statuts constitutifs de la SCI en 1960 ne mentionne pas qu’elle a pour objet la division de terrains en lots en vue de leur revente. C’est seulement par une refonte des statuts en 2007 qu’apparait dans l’objet social la division en lots des terrains en vue de leur attribution aux associés en propriété et en jouissance.

Or, dans l’acte d’acquisition du terrain en 1960, la destination indiquée est celle d’un ensemble de 150 maisons individuelles. La destination du terrain lors de son achat n’est ainsi pas compatible avec un objectif seulement de gérer le patrimoine des associés.

En conséquence, le Tribunal retient que l’intention spéculative est satisfaite dès l’acquisition du terrain.

Concernant le caractère habituel des opérations, le Tribunal constate que les 150 lots ont été majoritairement vendus entre 1960 et 1982 et quelques lots dans les années 2000.

Le Tribunal retient ainsi que les opérations sont multiples et fréquentes et présentent de fait un caractère habituel même si elles s’étalent sur une longue période couvrant plusieurs décennies.

Le Tribunal rejette ainsi la demande du contribuable et qualifie l’activité de la SCI de « marchand de biens » dès lors que les opérations ont un caractère habituel pour lesquelles l’intention spéculative était établie dès l’acquisition du bien.

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article