La compatibilité du secret professionnel et de la vérification de comptabilité d’un médecin

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

 

Source : Cour Administrative d’Appel DOUAI 5 décembre 2017 n°16DA02171

 

La question du respect du secret professionnel peut légitimement se poser lorsque l’administration fiscale est chargée de vérifier la comptabilité d’un membre d’une profession soumis au secret professionnel.

 

L’article 99 du Code Général des Impôts impose à l’ensemble des titulaires de bénéfices non commerciaux soumis au secret professionnel d’indiquer dans certains documents comptables l’identité déclarée de leurs clients.

 

Aux termes de l’article L.13-0 A du Livre des Procédures Fiscales, les agents de l’administration peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l’article 226-13 du Code Pénal.

 

En revanche, ils ne peuvent pas demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes.

 

Ainsi, par combinaison des deux articles précités, l’identité des clients des membres des professions libérales se trouve légalement exclue du secret professionnel auxquels ces derniers sont astreints.

 

L’obligation de mentionner l’identité des clients dans les documents comptables a pour effet de permettre à l’administration fiscale d’accéder à des informations nominatives dans le cadre de la procédure de vérification de la comptabilité des professionnels concernés.

 

Toutefois, afin de garantir strictement le respect du secret de la vie privée, l’article 13-0 A du Livre des Procédures Fiscales fixe strictement les limites du champ des informations susceptibles d’être requises par les agents de l’administration.

 

Il précise en effet que, si les agents de l’administration peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues, leurs interrogations ne peuvent porter ni sur l’identité déclarée par le client, ni sur la nature de la prestation.

 

En pratique, les vérificateurs ne peuvent donc pas solliciter de renseignement visant notamment à :

 

– S’assurer de l’exactitude de l’identité du client tel que ce dernier l’a indiqué au professionnel ;

 

– Connaître la nature de la prestation fournie par le contribuable vérifié.

 

D’ailleurs, le Conseil d’Etat a pu juger que l’examen par le vérificateur de documents comportant une indication relative à la nature des prestations médicales fournies, qu’il s’agisse de documents comptables ou non comptables, vicie la procédure d’imposition et entraîne la décharge des impositions établies à l’issue de celle-ci[1].

 

L’affaire présentée devant la Cour Administrative de DOUAI était relative à la vérification de la comptabilité d’un médecin.

 

Les faits et moyens du contribuable :

 

Un médecin fait l’objet d’une vérification de comptabilité et d’un contrôle sur pièces au cours desquels l’administration fiscale procède à la reconstitution de ses bénéfices non commerciaux.

 

Le contribuable soutient que le vérificateur aurait méconnu le secret médical et qu’en conséquence la procédure d’imposition serait entachée d’irrégularités au regard des dispositions de l’article L.13-0 A du Livre des Procédures Fiscales. Il soutient également que les documents consultés par le vérificateur relèvent de la vie privée et sont à ce titre protégés par l’article 8 de la CESDH.

 

La solution retenue par la Cour Administrative d’Appel :

 

La Cour Administrative d’Appel rappelle que les dispositions de l’article 99 du Code Général des Impôts impose aux membres d’une profession dépositaire du secret professionnel d’indiquer sur leurs documents comptables l’identité du client.

 

Elle ajoute qu’avec l’article L.13-0 A du Livre des Procédures Fiscales, le législateur a entendu délimiter strictement le champ des informations que l’administration fiscale est susceptible de demander à ses professionnels.

 

Néanmoins, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’administration prenne connaissance pendant les opérations de contrôle d’un document, comptable ou non, fournissant des renseignements sur le paiement des actes effectués par un médecin sur des patients nommément désignés. La seule limite étant que ce document ne doit comporter aucune indication (même sommaire ou codée) concernant la nature des prestations médicales fournies.

 

En l’espèce, le vérificateur a examiné des relevés bancaires et comptables mentionnant le détail des honoraires perçus et le nom des patients.

 

Dès lors, sur ces documents ne figurait aucune indication sur la nature des prestations fournies au patient. En conséquence, la méconnaissance du secret médical ou l’irrégularité de la procédure ne peuvent pas être invoquées.

 

Clara DUBRULLE

Vivaldi-Avocats


[1] CE 7 juillet 2004 n°253711

 

 

 

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