La caution avertie est celle impliquée dans la vie de l’entreprise garantie

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

SOURCE : Cass.com.,.2 octobre  2012. Pourvoi n° X 11-28.331. Arrêt n°937 F-P+B

 

Aux termes de cet arrêt, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation précise la notion de caution avertie à l’égard de laquelle le créancier est tenu de s’assurer de la proportionnalité de l’engagement de la caution par rapport à ses biens et revenus.

En l’espèce le crédit cautionné était une avance sur remises qui avait été consentie à une entreprise exploitant un garage par son fournisseur de lubrifiant.

Le débiteur étant défaillant, le créancier a assigné en paiement la caution.

 

La Cour d’Appel de Grenoble dans son arrêt en date du 25 janvier 2010 a considéré que le créancier avait manqué à son obligation de mise en garde de la caution et était responsable d’une perte de chance de 20% de la caution, de ne pas s’engager en qualité de caution.

La Cour d’Appel a donc condamné le créancier à payer à la caution la somme de 3 615 € à titre de dommages-intérêts, cette somme correspondant au 20% du montant de l’engagement de la caution.

Dans sa motivation, la Cour d’Appel a considéré que l’engagement de la caution était disproportionné à ses ressources, dés lors que la caution n’avait pas été imposable entre 1999 et 2002, et qu’elle n’avait perçu aucun revenu en 2012 et devait en sus supporter les charges d’un crédit immobilier.

Le créancier a formé un pourvoi en cassation, soutenant d’une part qu’il n’y avait pas disproportion entre l’engagement et les capacités financières de la caution, mai surtout que la caution était une caution avertie, en raison de ses liens (compagne du débiteur) avec le débiteur principal et du fait que c’est précisément les revenus de l’entreprise qui permettaient à la caution de rembourser le prêt immobilier et d’entretenir la famille.

 

La Cour de Cassation rejette le pourvoi tant sur le caractère disproportionné de l’engagement que sur le critère de caution avertie.

  • Concernant  l’engagement qui ne serait pas adapté aux capacités financières, la Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel qui après avoir pris en considération les revenus de la caution ci-dessus relatés a considéré qu’il y avait une disproportion entre l’engagement et les capacités financières ;
  • Concernant la qualité de caution avertie, la Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel qui a opéré une distinction entre la caution intéressée aux revenus de l’entreprise et la caution impliquée dans la vie de cette entreprise.

Seule cette dernière doit être considérée comme une caution avertie, ne pouvant pas bénéficier de  l’exigence de la proportionnalité, dés lors que la caution n’avait pas de rôle de direction, de droit ou de fait, dans l’entreprise cautionnée.

 

ATTENTION : Il faut souligner que ce problème ne se pose que si on est hors du champ d’application de l’article l.341-4 du Code de la Consommation.

Le texte précité fait bénéficier de la décharge pour disproportion toutes les personnes physiques, qu’elles soient averties ou non.

 

Dans l’affaire commentée, l’article L.341-4 issu de la loi du 1er août 2003, ne pouvait être appliqué car le cautionnement avait été souscrit en 2002, soit avant la date de son entrée en vigueur.

Le débat était donc porté sur le terrain du droit commun de la responsabilité, tel qu’il avait été délimité par la jurisprudence antérieure[1][2][3]

La Cour de Cassation rappelle à cet égard que, indépendamment de l’article L.341-4, « l’établissement prêteur, doit même dans le cas d’un prêt professionnel, s’assurer de la proportionnalité de l’engagement de la caution, sauf à engager sa responsabilité ».

Mais cette responsabilité est beaucoup moins favorable aux cautions que le texte du Code de la Consommation :

  • D’une part parce que son bénéfice est réservée aux cautions averties (d’où le débat en l’espèce) ;
  • D’autre part parce que, comme on le voit dans cette affaire, la caution n’obtient pas sa décharge, mais seulement la condamnation du créancier à lui payer des dommages-intérêts qui viennent se compenser avec son obligation de paiement et qui, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ne peuvent être égaux au montant dû. Seul est réparé la perte d’une chance de n’avoir pas à payer.

 

Enfin, on remarquera que dans cet arrêt, la Cour de Cassation, qui approuve la Cour d’Appel d’avoir condamné le créancier sur le fondement de l’exigence de proportionnalité, censure le motif « surabondant mais erroné » tiré du devoir de mise en garde pesant sur le créancier.

En effet, un tel devoir n’est reconnu qu’à la charge des établissements de crédit, alors que l’exigence de proportionnalité vaut plus largement pour tous les créanciers professionnels, au nombre desquels il faut ajouter un fournisseur de lubrifiant.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats



[1] Cass.com., 25 mars 2003, n° 00-22-533

[2] Cass.com., 11 juin 2003, n° 00-11.913

[3] Cass.com., 6 février 2007, n° 04-15.362

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