La baisse significative des commandes est non fautive en cas de crise du secteur

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

Source :   Cour de cassation, Chambre Commerciale, 8 novembre 2017, pourvoi n° 16-15.285, publié au Bulletin.

 

Selon l’article L. 442-6 I 5 du Code de commerce, toute rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur. Ce texte a été interprété maintes fois par la jurisprudence, laquelle y apporte régulièrement des garde-fous afin d’éviter que ce fondement soit soulevé trop opportunément par un partenaire commercial s’estimant lésé par une rupture contractuelle, pour autant justifiée.

 

Au nombre de ces garde-fous, la jurisprudence a entendu faire préciser que l’auteur de la rupture brutale de la relation commerciale établie ne pouvait engager sa responsabilité, dès lors qu’elle n’avait pas pu faire autrement à raison d’un évènement indépendant de sa volonté. Il s’agit sensiblement d’une transposition de la notion bien connue en droit civil de force majeure, désormais définie à l’article 1218 nouveau du Code Civil, depuis la réforme du droit des contrats entrée en vigueur le 1er octobre 2016, comme suit :

 

«   L’évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées. »

 

On retrouve ici les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité retenus antérieurement par les juridictions.

 

En l’espèce, une société commercialisant des chemises avait confié à un prestataire le contrôle de la fabrication de ses articles au BANGLADESH, moyennant le règlement de commissions calculées en fonction du volume de commandes. Après avoir subi pendant deux ans une baisse significative de son nombre de commandes, le prestataire avait annoncé qu’il augmentait le coût unitaire des chemises, la baisse des commandes entraînant une augmentation de ses coûts de production. La société commercialisant les chemises avait alors répondu que cette augmentation du coût l’empêchait de poursuivre ses commandes, emportant la rupture brutale de leurs relations commerciales.

 

Au cas particulier, la Haute juridiction observe cependant que le fabriquant n’avait pris aucun engagement de volume envers son partenaire et qu’il a souffert d’une baisse de chiffre d’affaires d’un peu plus de 15 % du fait de la situation conjoncturelle affectant le marché du textile, baisse qu’elle n’a pu que répercuter sur ses commandes, dans la mesure où un donneur d’ordre ne peut être contraint de maintenir un niveau d’activité auprès de son sous-traitant lorsque le marché lui-même diminue.

 

Par ailleurs, le fabriquant avait témoigné de sa volonté de poursuivre ses relations commerciales avec son partenaire, puisqu’il avait proposé une aide financière à la société commercialisant les chemises pour faire face à la baisse de ses commissions.

 

Au vu de ce qui précède, la Cour de cassation conclut que :

 

«   La Cour d’Appel a pu retenir que la baisse des commandes de la société DORSEY (commercialisant les chemises), inhérentes à un marchand en crise, n’engageait pas sa responsabilité. »

 

Cette décision n’est pas nouvelle, puisque la Cour avait d’ores et déjà jugé que la baisse significative des commandes d’un fabriquant auprès d’un sous-traitant, due à la diminution des propres commandes du fabriquant en raison de la crise économique de 2008, n’était pas volontaire, de sorte qu’elle n’entraînait pas la responsabilité de ce dernier[1].

 

La Haute juridiction avait également jugé que l’arrêt des commandes d’un joaillier auprès d’un fabriquant de bijoux n’avait pas engagé sa responsabilité, dès lors que cet arrêt était dû aux difficultés économiques du fabriquant, qui avait perturbé sa capacité à assurer les commandes[2].

 

Par cet arrêt du 8 novembre 2017, la Cour de cassation a entendu cependant infirmer le principe qu’elle avait d’ores et déjà dégagé, puisque celle-ci a souhaité publier sa décision au Bulletin Civil.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats



[1] Cass. Com., 12 février 2013, n° 12-11.709.

[2] Cass. Com., 22 novembre 2016, n° 15-19.947.

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