SOURCE : Conseil d’Etat, 7ème / 2ème SSR, 11 avril 2014, req. n°375051
L’article 10 du CMP institue à la charge du pouvoir adjudicateur une obligation d’allotir tout marché portant sur des prestations distinctes.
Dans l’hypothèse d’un allotissement, le pouvoir adjudicateur choisit librement le nombre de lots « en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions ».
Pour autant, l’obligation d’allotir n’est pas inconditionnelle, puisqu’elle n’a pas lieu de jouer si le pouvoir adjudicateur estime que :
– la dévolution en lots séparés serait de nature, à restreindre la concurrence ;
– ou qu’elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l’exécution des prestations ;
– ou encore qu’il ne serait pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination.
En l’espèce, la commune de Montreuil avait lancé une procédure de passation d’un marché global de prestations de conseil et de représentation juridiques à bons de commande, avec multi-attributaires.
Cinq candidats avaient été déclarés attributaires du marché.
L’offre du cabinet requérant ayant été classée sixième, ce dernier avait alors saisi le juge du référé précontractuel aux fins d’annulation de la procédure de passation dans son ensemble.
Le juge des référés a annulé la procédure, estimant :
– dans un premier temps, que les prestations de conseil et de représentation juridiques, objet du marché, étaient d’une diversité et d’un volume qui permettaient, en réalité l’identification de prestations distinctes, en sorte qu’il aurait dû faire l’objet d’un allotissement. En effet, les prestations portaient sur l’ensemble des matières du droit public, ainsi que sur des matières relevant du droit civil, du droit pénal.
– dans un second temps, que la commune, au regard de son importance et de sa capacité à assurer la coordination des prestations alloties, ne justifiait aucunement qu’un allotissement du marché rendrait techniquement difficile son exécution.
La Conseil d’Etat a validé un tel raisonnement, validant par ailleurs la grille d’analyse maniée par le juge des référés quant à la nature du contrôle devant être exercé.
En effet, il résulte des termes de l’ordonnance du juge des référés que « si le contrôle du juge des référés précontractuels est limité à l’erreur manifeste d’appréciation quant au nombre et à la consistance des lots établis par le pouvoir adjudicateur, il doit effectuer un contrôle normal sur les motifs de la décision de regrouper les prestations en un seul lot ».
C’est donc à un contrôle normal que le juge du référé précontractuel s’était, à bon droit, livré.
A la lecture des conclusions de M. DACOSTA, Rapporteur public dans cette affaire, il était difficile de soutenir, en l’espèce, que l’objet du marché ne permettait pas d’identifier des prestations distinctes, et ce d’autant plus eu égard à la taille de la collectivité et à l’importance du marché.
Pour le Rapporteur public, les prestations de service juridique ne pouvaient « être regardées comme exclues, par nature, de la nature de la problématique de l’allotissement », alors même qu’il est vrai que les avocats à la cour « peuvent, au moins, en théorie, assurer toutes prestations juridiques, sous réserve du monopole de représentation devant la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, dont disposent les avocats aux conseils ».
En outre, selon le Rapporteur public, la commune de Montreuil ne pouvait bénéficier de la dérogation prévue à l’article 10 du CMP, dès lors qu’il était peu contestable pour une ville de plus de 100.000 habitats d’être dans l‘incapacité d’assurer les missions de coordination que pouvait impliquer le recours à des cabinets d’avocats différents, dès lors qu’elle devait très certainement être dotée d’un service juridique suffisamment étoffé.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats