L’erreur dans la conclusion d’un bail commercial

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : 3ème civ, 4 juin 2014, n°13-13343, Inédit

 

Une Cour d’appel a prononcé la nullité d’une vente d’immeuble fondée sur l’erreur. Or l’immeuble faisait partie d’un bail commercial, de sorte qu’un litige entre bailleur et preneur était inévitable.

 

Le bailleur a donc assigné le preneur en nullité du bail commercial, fondée sur l’erreur sur l’objet même du bail. Reconventionnellement, le preneur a sollicité, sur le fondement de l’article 1722 du code civil, une réduction du loyer à proportion des surfaces perdues. En effet, conformément à la jurisprudence, à la destruction totale est assimilée l’impossibilité absolue et définitive d’user de la chose louée conformément à sa destination[1].

 

La Cour d’appel d’Aix en Provence rejette la demande du bailleur et fixe le loyer du bail à une certaine somme, ce qui conduit le bailleur à se pourvoir en cassation. Pour le bailleur, « commet une erreur sur l’objet même du bail commercial, (…), celui qui croit donner en location un ensemble de locaux lui appartenant, cependant qu’est ultérieurement annulée la vente par laquelle il avait acquis une partie de ces locaux, de sorte qu’il est rétroactivement privé de la propriété desdits locaux au jour même de la conclusion du bail ».

 

La Cour de cassation ne suit pas son raisonnement, considérant que l’erreur ne peut s’apprécier qu’au moment de la conclusion du contrat. Or, à cette date, bien que le bailleur soit virtuellement dépossédé de la propriété des locaux par l’effet rétroactif de la nullité de la vente, il n’en demeure pas moins que l’annulation de la vente de cette partie du local donné à bail est postérieure à cette date.

 

Les cas d’erreur en droit des baux commerciaux sont peu nombreux : le manquement à l’obligation de délivrance permet au preneur d’obtenir plus simplement la résiliation du bail[2]. Exceptionnellement, l’erreur a pu être retenue dans une affaire dans laquelle le preneur pensait légitimement exploiter son activité sans concurrence dans un centre commercial, bien que la plupart des décisions réfutent l’environnement commercial comme motif d’erreur[3].

 

En toutes hypothèses, la résolution du bail par l’effet de la nullité pour erreur est cause de restitutions réciproques et entraine, pour le preneur, l’obligation de s’acquitter d’une indemnité d’occupation, en sa qualité d’occupant sans droits ni titre, alors même que la nullité du bail serait imputable à la faute du bailleur[4].

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] 3ème civ, 2 juillet 2003, n° 02-14.642, FP-P+B

[2] 3ème civ, 13 juillet 1994, n°92-13105

[3] 3ème civ, 13 avril 1983, n°81-13637 ; 3ème civ, 30 janvier 1991, n°89-17150

[4] 3ème civ, 10 mai 2001, n°99-20374

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