Source : Cour de Cassation– Chambre Mixte – 21.03.2014 – n°12-20.002 ; 12-20.003
Cet arrêt de la Chambre Mixte de la Cour de Cassation a fait l’objet d’un communiqué de la Haute Juridiction.
Il tranche la question des heures de délégation accomplies par des salariées respectivement membres du Comité d’Entreprise, déléguée syndical et déléguée du personnel en arrêt de travail qui ont exercé leur activité de représentation pendant leur arrêt de travail.
En l’espèce, l’ une des salariées, membre du Comité d’Entreprise et déléguée syndicale, a subi un arrêt de travail à la suite d’un accident du travail et perçu des indemnités journalières versées par la sécurité Sociale.
Elle a sollicité le paiement d’heures de délégation qu’elle précisait avoir utilisées pendant son arrêt de travail en dehors de son temps de travail : le Conseil de Prud’hommes lui donne raison.
L’autre salariée déléguée du personnel, victime également d’un accident du travail a réclamé le paiement d’heures de délégation qu’elle déclare avoir effectuées en dehors de son temps de travail ; elle obtient gain de cause devant le Conseil de Prud’hommes.
L’employeur se pourvoit en Cassation invoquant l’incompatibilité de l’activité de représentant du personnel avec leur arrêt de travail et l’impossibilité de cumuler le paiement d’heures de délégation avec la perception d’indemnités journalières.
La Jurisprudence considère que la suspension du contrat de travail d’un représentant du personnel n’emporte pas suspension de l’exercice de son mandat de représentant.
Ainsi, le fait pour l’employeur de ne pas avoir convoqué un membre suppléant hospitalisé le jour de la réunion du Comité d’Entreprise constitue une entrave au bon fonctionnement du Comité d’Entreprise.[1]
Pour autant, se pose la question du paiement des indemnités journalières, des heures de délégation et de leur coexistence.
L’article L323-6 du Code de la sécurité Sociale subordonne le bénéfice des indemnités journalières maladie à l’obligation d’observer les prescriptions du médecin, de respecter les heures de sortie prescrites et de s’abstenir de toute activité non autorisée.
L’assuré qui avait continué à exercer son mandat de membre du CHSCT pendant son arrêt maladie, ne peut percevoir d’indemnités journalières, la Cour de Cassation considérant que l’exercice répété et prolongé de cette activité était incompatible avec l’arrêt de travail et le service des indemnités journalières, la coïncidence entre les heures de délégation et les heures de sortie autorisées étant indifférentes.[2]
Tant le salarié que l’employeur se trouvaient placés devant la contradiction suivante : l’employeur est dans l’obligation de convoquer le salarié aux réunions de représentants du personnel alors que celui-ci est en arrêt de travail, le salarié peut de son côté préférer ne pas assister à ces réunions sauf à se trouver exposé au risque de remboursement de ses indemnités journalières.
Et qu’en est-il de surcroît du paiement des heures de délégation lorsque le salarié utilise ces heures en dehors du temps de travail?
La Chambre Mixte de la Cour de Cassation apporte une réponse claire :
Elle confirme que l’arrêt de travail ne suspend pas le mandat, et conditionne le paiement des heures de délégation dans cette hypothèse, à l’autorisation du médecin traitant.
La jurisprudence considère que la poursuite du mandat n’est pas incompatible avec l’arrêt de travail parce que le salarié peut être dans l’ incapacité d’accomplir physiquement sa tâche de travail mais pas dans celle d’exercer son mandat.
Si le salarié obtient l’autorisation préalable du médecin traitant pour l’exercice de cette activité, l’employeur sera contraint de payer ses heures de délégation.
Certes, ce document du médecin traitant n’est pas prévu dans les mentions figurant sur les différents volets des formulaires CERFA de déclaration des arrêts maladie ; il n’ est cependant pas interdit à l’assuré de solliciter son médecin traitant afin qu’il établisse sans pour autant trahir le secret médical, un document l’autorisant à assister à des réunions.
Il faut enfin rappeler en l’espèce, que les heures de délégation avaient été utilisées en dehors du temps de travail.
Patricia VIANE-CAUVAIN
Vivaldi-Avocats
[1] Cass. Crim. 16.06.1970 n°69-93.132
[2] Cass. 2ème Civ. 09.12.2010 n°09-16.140