L’action en responsabilité pour défaut de mise en garde n’est pas éternelle.

Sylvie LHERMIE
Sylvie LHERMIE

 

 

Source : Cass.com 3 décembre 2013 n°12-26.934 (n°1170 F-D)

 

Une SCI souscrit auprès d’une banque un emprunt sous forme d’autorisation de découvert en compte courant le temps de l’achèvement des travaux de réhabilitation d’un ensemble immobilier à vocation de bureaux.

 

Elle cède ensuite une partie des locaux à une filiale de la banque qui les loue sous forme de crédit-bail : les sociétés crédit preneuses n’honorent pas leurs engagements.

 

Les contrats sont résiliés.

 

Ces sociétés défaillantes engagent la responsabilité des établissements financiers, l’une sur la base de l’autorisation de découvert en compte courant accordée, les deux autres représentées par leur mandataire ad’hoc sur la base des contrats de crédit-bail en invoquant l’inadaptation du financement accordé.

 

La Cour d’appel de Paris va déclarer prescrite l’action au titre du compte courant et c’est celle-ci qui retiendra notre attention.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi de la SCI.

 

La jurisprudence sur la responsabilité des établissements bancaires est abondante ; le devoir de mise en garde des banquiers est invoqué parfois à tort, parfois à raison.

 

Nous savons que depuis la loi du 17 juillet 2008, la prescription a été réformée, selon trois objectifs essentiels[1] :

 

raccourcir le temps ;

 

modifier la durée de la prescription jugée le plus souvent excessive ;

 

donner de la cohérence en uniformisant les délais (en 2004, la Cour de cassation avait dénombré 250 délais, différents)

 

C’est pourquoi l’article 2224 du Code civil prévoit que le délai de droit commun de la prescription extinctive est ramené à cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières.

 

Toutefois, quel est le point de départ de cette prescription ?

 

La Cour de cassation s’est ici prononcée sur le fondement de textes applicables avant la réforme du 17 juillet 2008 : la prescription de 10 ans d’une action en responsabilité contractuelle courait à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il était révélé à la victime, si celle-ci établissait qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

 

La chambre commerciale de la Cour de cassation estime que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consiste en une perte de chance de ne pas contracter qui se manifeste dès l’octroi du crédit. Ainsi, la prescription court à compter de l’octroi du crédit.

 

Les emprunteurs pouvaient être ici qualifiés d’avertis.

 

La chambre civile de la Cour de cassation est plus conciliante : « la prescription de l’action en responsabilité pour l’octroi d’un prêt malgré une incapacité manifeste à faire face au remboursement, débute au jour où le dommage s’est révélé à l’emprunteur, soit lors des premières difficultés de l’emprunteur »[2].

 

En réalité et fort heureusement, la solution adoptée par les deux chambres se justifie par la qualité de l’emprunteur, averti ou non averti.

 

Sylvie LHERMIE

Vivaldi-Avocats


[1] « Le nouveau régime de la prescription et la procédure civile » Colloque à la Cour de cassation (11 mai 2009) Natalie Fricero

[2] Cass.1ère civ 9 juillet 2009 n°08-10.820

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