Source :CE, 26/01/2018, n°408561, mentionné dans les tables du recueil Lebon
Un contribuable résidant en Belgique a perçu des dividendes de source française sur lesquels a été prélevée une retenue à la source en vertu de l’article 119 bis du CGI.
Par voie de réclamation, il a sollicité le remboursement du surplus de la somme qui aurait été payée si le taux de la retenue à la source appliqué avait été celui prévu par la convention fiscale franco belge.
Sa demande a été rejetée, décision validée par les juges du fond qui ont estimé que sa réclamation était irrecevable faute d’être accompagnée des éléments justifiant sa demande.
Si le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé par le contribuable, il profite de cette espèce pour faire le point sur les documents à joindre à une réclamation visant à obtenir le remboursement de tout ou partie d’une retenue à la source.
Il rappelle les dispositions de l’article R197-3 du LPF qui dispose « Toute réclamation doit à peine d’irrecevabilité :
a) Mentionner l’imposition contestée ;
b) Contenir l’exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ;
c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l’administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ;
d) Etre accompagnée soit de l’avis d’imposition, d’une copie de cet avis ou d’un extrait du rôle, soit de l’avis de mise en recouvrement ou d’une copie de cet avis, soit, dans le cas où l’impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou d’un avis de mise en recouvrement, d’une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement ».
La difficulté est que ni cette disposition ni toute autre disposition du code général des impôts ne précise « la nature des pièces justifiant cette retenue qui doivent, à peine de d’irrecevabilité, accompagner la réclamation » de sorte qu’une précision des textes est indispensable.
Le Conseil d’Etat décrit ainsi clairement les pièces à fournir et les démarches à mettre en œuvre pour s’assurer de la recevabilité de la réclamation introduite.
Par principe c’est le contribuable qui introduit la réclamation qui doit fournir à l’administration l’ensemble des éléments lui permettant d’instruire sa demande (I).
Le Conseil d’Etat prend cependant en compte les difficultés auxquelles le contribuable peut être confronté pour collecter les informations à joindre à peine d’irrecevabilité de sa réclamation et autorise, dans certains cas, le contribuable à fournir moins d’information (II) tout en imposant certaines obligations aux établissements payeurs de façon à permettre à l’administration fiscale de contrôler le montant de la retenue à la source effectivement dû (III).
I – LES ELEMENTS A FOURNIR PAR PRINCIPE AVEC LA RECLAMATION
Toute réclamation relative à une retenue à la source concernant des dividendes, pour être recevable, doit contenir pour justifier de son montant et de son versement (condition visée au (d de l’article R197-3 du LPF) « toutes pièces établissant l’application de cette retenue, pour peu qu’elles précisent la date à laquelle elle a été opérée et l’identité de l’établissement payeur au sens des dispositions de l’article 1672 du CGI ».
Les termes employés par le Conseil d’Etat sont volontairement généraux pour ne pas faire peser sur le contribuable un formalisme qui entraverait son action.
II – LES DEROGATIONS AU PRINCIPE
Toutefois, « dans l’hypothèse où le contribuable justifie, en dépit de démarches en ce sens effectuées auprès tant de l’établissement auquel il a confié la tenue du compte sur lequel sont inscrits ses titres que de l’émetteur de ces titres, être dans l’impossibilité de produite cette information, une réclamation doit être regardée comme recevable si elle est assortie d’un extrait de compte ou de tout document équivalent émanant de l’établissement teneur du compte sur lequel sont inscrits les titres dont procèdent les revenus soumis la retenue en litige désignant ces titres avec une précision suffisante pour permettre leur identification, notamment au moyen de leur numéro international d’identification, indiquant la date de leur inscription en compte et mentionnant la date de versement ainsi que les montants nets et bruts des revenus, en vue de permettre à l’administration de rechercher l’identité de l’établissement payeur par l’exercice de ses pouvoirs de contrôle, notamment de son droit de communication auprès du débiteur des revenus sur lesquels la retenue a été opérée ou des intermédiaires successifs établis en France ».
Ainsi, si le contribuable, qui doit être de bonne foi et diligent (ce qui sera apprécié par l’administration fiscale et les juridictions du fond) ne peut fournir « toutes pièces établissant l’application de cette retenue, pour peu qu’elles précisent la date à laquelle elle a été opérée et l’identité de l’établissement payeur au sens des dispositions de l’article 1672 du CGI », il doit a minima fournir un document contenant 3 informations (qu’il a forcément à sa disposition) :
La désignation de l’établissement teneur du compte sur lequel sont inscrits les titres ;
La désignation des titres ;
Le montant des revenus perçus.
De façon à permettre à l’administration de faire usage de son droit de communication pour avoir plus d’informations.
Le Conseil d’Etat exclut expressément cette dérogation si l’établissement teneur du compte n’est pas situé dans un Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale incluant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale.
Dans ce cas, le contribuable doit fournir dans sa réclamation « toutes pièces établissant l’application de cette retenue, pour peu qu’elles précisent la date à laquelle elle a été opérée et l’identité de l’établissement payeur au sens des dispositions de l’article 1672 du CGI »
III – LES OBLIGATIONS A LA CHARGE DES ETABLISSEMENTS PAYEURS DE LA RETENUE A LA SOURCE
Pour faciliter le recours du contribuable et les recherches de l’administration fiscale, le Conseil d’Etat juge, au visa des articles 1672 du CGI, 57 et 76 annexe II du CGI, 17 et 17A annexe IV du CGI, que « les établissements payeurs de la retenue à la source mentionnés à l’article 1672 du CGI sont tenus de recueillir des renseignements relatifs à l’identité des bénéficiaires des revenus des valeurs mobilières des sociétés françaises dont procèdent les revenus assujettis et de tenir à la disposition de l’administration les informations relatives aux montants et à la date des versements effectués. L’administration fiscale dispose ainsi, sous réserve de connaître l’identité de l’établissement payeur, des moyens lui permettant de contrôler tant le montant que le reversement effectif au Trésor de la retenue opérée par celui-ci sur des revenus de capitaux mobiliers versés à un contribuable non résident, auquel la preuve de ce reversement ne saurait incomber ».
En d’autres termes, dès lors que le contribuable a justifié ne pas être en mesure de fournir « toutes pièces établissant l’application de cette retenue, pour peu qu’elles précisent la date à laquelle elle a été opérée et l’identité de l’établissement payeur au sens des dispositions de l’article 1672 du CGI » malgré les diligences mises en œuvre et a communiqué à l’administration fiscale dans sa réclamation l’identité de l’établissement teneur du compte et les informations sur les titres, sa réclamation doit être considérée comme recevable.
Si des informations sont manquantes, l’administration est considérée comme ayant suffisamment d’éléments pour faire des recherches complémentaires auprès des établissements teneur des comptes pour statuer sans avoir à solliciter plus le contribuable.
Caroline DEVE
Vivaldi-Avocats