IFI : La décote de valeur d’un immeuble détenu en indivision n’est pas systématique.

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

SOURCE : Cass. Com. du 27 mars 2019, n° 18-10.933 (F-P+B).

 

I –

 

I – 1.

 

Pour le calcul de l’IFI[1], les biens immobiliers sont en principe retenus pour leur valeur vénale, c’est-à-dire le prix qui pourrait être tenu par le jeu de l’offre et de la demande, compte tenu des données du marché, des particularités physiques, juridiques et économiques du bien (c’est ce que rappelle la Cour de Cassation dans son Arrêt commenté).

 

S’agissant de biens détenus en indivision la Haute Juridiction a clairement précisé que la valeur vénale des droits indivis est spécifique et ne se confond pas avec la quotepart de la valeur vénale, total qu’aurait le bien s’il appartenait à un seul propriétaire[2].

 

Il résulte de cette Jurisprudence que l’administration des impôts, qui entend remettre en cause la valeur déclarée par le contribuable, doit conformément à la règle générale fonder sa propre évaluation sur des éléments de comparaison tirés de la cession de biens intrinsèquement similaires.

 

Il faut déduire de ce qui précède que la valeur d’un bien indivis doit s’établir par comparaison, avec un autre bien indivis.

 

I – 2.

 

Et c’était toute la difficulté puisque pour comparer, il faut pouvoir disposer des comparables, de sorte qu’à défaut, c’est-à-dire lorsqu’il n’existe pas de bien similaire ou qu’il n’y a pas de marché sur ce type de bien en cause, il peut être dérogé à ce principe[3].

 

Dans cette hypothèse, l’absence de référence est corrigée par l’application d’une décote dite d’indivision, ainsi par exemple, un taux de 30 % a été retenu par la Cour d’Appel de PARIS dans le cas d’une indivision entre une mère et son fils[4] ou même de 40 %, dans le cas d’un immeuble dont la nue-propriété était détenue en indivision par les enfants de l’usufruitier[5].

 

II –

 

La question qui se posait, cette fois, à la Chambre Commerciale était le caractère systématique de ces décotes, dès lors qu’il est constaté une indivision.

 

II – 1.

 

Dans l’espèce examinée, les contribuables étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et avaient acquis conjointement le bien litigieux qui constituait leur résidence principale, qui devenait ainsi leur copropriété indivise.

 

Dans leur déclaration ISF (désormais IFI), les contribuables s’étaient abstenus de déclarer l’existence de cette indivision qui, au passage…, coulait de source, dès lors qu’on connaissait leur régime matrimonial ou que l’on prenait connaissance de l’acte d’acquisition.

 

Le contribuable faisait grief tant à l’Administration, qu’à la Cour d’Appel de PARIS, d’avoir, dans un Arrêt du 06 novembre 2017, rejeté le principe de cette décote, au motif « qu’il est peu probable que l’un d’entre eux envisage de céder sa quotepart sur ce bien qui constitue leur résidence principale ».

 

Et l’on voit bien l’appréciation in concreto à laquelle se livrent les juridictions du fond qui considérait que la décote d’indivision s’applique lorsqu’elle est susceptible d’entraver la cession des droits seuls d’un indivisaire. Tel n’était pas le cas en l’espèce puisque le couple, n’ayant pas fait part de son intention de se séparer, n’avait pas de raison, l’un sans l’autre, de vendre l’immeuble, ce qui avait pour effet de gommer les conditions de détention de cette propriété.

 

Est-ce que pour autant, dans de telles hypothèses, tout débat reste vain ?

 

C’est sur la preuve de l’impossibilité de trouver des comparables que le débat peut encore se nouer.

 

II – 2.

 

C’est sur le raisonnement rappelé par un Arrêt de février 2016[6] que le débat peut naître. Dans cette affaire, la Cour, tout en rejetant le pourvoi principal du contribuable et le pourvoi incident de l’Administration, avait jugé que l’Administration démontrait ne pas être en mesure de trouver des biens similaires (c’est-à-dire en indivision) dans le ressort de la commune, relève que des comparables avaient été fournis au-delà de ce périmètre communal, présentant des caractéristiques similaires détenus en indivision.

 

Cependant par différence avec l’Arrêt commenté, la Chambre Commerciale rejette le pourvoi lancé par l’Administration fiscale contre l’Arrêt de Cour d’Appel qui avait, pour le coup, accepté un abattement lié à la détention de biens dans une SCI.

 

[1] Mais également des droits de succession/donation

 

[2] Voir notamment Cass. Com. 19 juin 1990 n° 867 P, Cass. Com. 10/12/1996 n°2072 D ou Cass. Com. 22/02/2000 n° 486 P, Cass. Com. 14/12/2001 n° 2034 FS-D

 

[3] Voir notamment Cass. Com. 22 janvier 1991 n° 219 P ou Cass. Com. 15 juillet 1992 n° 1325 D ou enfin, Cass. Com. 26 janvier 1999 n° 295 P

 

[4] Cour d’Appel PARIS 04/12/2003 n° 2002/07.543

 

[5] Cass. Com. 27/10/2009 n° 08-11.6.362

 

[6] Cass. Com. 16 février 2016 n° 14-23.301

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