Fusion : absence de couverture par l’assurance de l’absorbante des dettes de responsabilité de l’absorbée

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 26 nov. 2020, n°19-17.824, n° 886 FS-PBI

 

I – Les faits

 

Des clients d’une société absorbée ont assigné l’assureur de la société absorbante en indemnisation des préjudices subis par eux pour des désordres imputables à l’absorbée (installation d’un ballon thermodynamique défectueux).

 

L’assureur s’opposait à cette demande au motif que la fusion ne saurait étendre le bénéfice de l’assurance de responsabilité souscrite par l’absorbante aux faits commis par l’absorbée avant la fusion et de modifier ainsi le risque garanti.

 

La cour d’appel rejette cette argumentation : le contrat d’assurance trouvait bien à s’appliquer du fait de l’absorption par l’assurée de la société à l’origine du désordre et l’assureur ne pouvait invoquer la clause de ce contrat limitant le périmètre de la garantie à la seule absorbante à l’exclusion de toute autre société filiale ou concessionnaire.

 

II – Le pourvoi en cassation

 

Saisie par l’assureur de la question, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du code civil relatif à la force obligatoire des contrats (devenu l’article 1103 du code civil) et l’article L. 236-3 du Code de commerce.

 

La Cour juge que certes, en cas de fusion et en vertu du principe de transfert universel du patrimoine, les dettes de la société absorbée sont transférées de plein droit à la société absorbante la dette de responsabilité de l’absorbée pour des faits commis par celle-ci avant la fusion est transmise de plein droit à l’absorbante. Toutefois, l’assurance de responsabilité souscrite avant la fusion n’a pas vocation à garantir le paiement d’une telle dette dès lors que le contrat d’assurance couvre, sauf stipulation contraire, la responsabilité de la seule société assurée, unique bénéficiaire de la garantie accordée par l’assureur en fonction de son appréciation du risque, à l’exclusion de toute autre société, même absorbée ensuite par l’assurée.

 

La Cour de cassation adopte une position inédite, en jugeant que l’assurance de responsabilité ne couvre que la responsabilité de la seule société assurée en dehors de toute autre, même absorbée ensuite par l’assurée. Selon la Haute Cour, la fusion modifié le degré d’exposition au risque sur lequel l’assureur s’est fondé à la date de souscription du contrat d’assurance pour conclure ce dernier.

 

En vertu du principe de la force obligatoire du contrat, l’assurance de responsabilité ne pouvait donc être étendue aux dettes de responsabilité de l’absorbée. Du point de vue de l’assureur, il serait en effet sévère que l’assurance soit étendue aux risques d’une autre société qui n’avaient pas été appréciés par celui-ci à la date de souscription.

 

La Cour de cassation réserve néanmoins le cas d’une stipulation contraire du contrat d’assurance qui prévoirait son application aux dettes de responsabilité transmises à l’absorbante dans le cadre d’une fusion. Le risque supplémentaire lié à une opération de fusion peut donc être intégré au contrat d’assurance. Mais Il semble peu probable que les assureurs s’engagent dans une telle voie, sauf à prévoir un mécanisme d’ajustement automatique de la prime d’assurance pour tenir compte des risques liées à l’activité de l’absorbée, ce qui semble complexe s’agissant de risques hypothétiques inconnus à la date de souscription du contrat d’assurance.

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