Évaluation des titres sociaux : les pouvoirs de l’expert désigné et du juge

Coralie MOREAU
Coralie MOREAU - Avocat

La Cour de cassation vient rappeler les pouvoirs de l’expert désigné sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil et juge qu’en cas de contestation, l’expert peut retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations des parties, à charge pour le juge d’appliquer l’évaluation correspondante.

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 mai 2025, 23-24.041

L’article 1843-4 du code civil permet, lorsqu’il est prévu par la loi ou par les conventions, qu’en cas de cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.

L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.

En l’espèce, à la suite de l’exclusion d’un associé, le président du tribunal a désigné, sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil, un expert chargé de déterminer la valeur des actions détenues par l’associé exclu en application des règles prévues par les statuts. Un désaccord était né entre les parties sur l’exercice comptable à retenir pour cette évaluation. L’expert avait ainsi proposé une lettre de mission afin de réaliser deux chiffrages selon les différentes hypothèses avancées par les parties.

La cour d’appel avait annulé certaines clauses de la lettre de mission de l’expert, estimant que, face à une contestation sur l’interprétation des conventions liant les parties, l’expert devait surseoir à ses opérations et inviter les parties à saisir le tribunal pour trancher la question, avant de fixer la valeur des parts.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel sur ce point en rappelant que, selon l’article 1843-4 du code civil, l’expert évaluateur doit pouvoir procéder à différentes évaluations en fonction des interprétations retenues par les parties.

La Cour ajoute qu’il appartient alors au juge, en cas de contestation, de retenir l’évaluation correspondant à l’interprétation qu’il retient, sans que l’expert ait à attendre une telle décision avant d’accomplir sa mission.

Ainsi, en cas de contestation d’interprétation, l’expert ne doit pas sursoir à sa mission mais bien la continuer et proposer plusieurs valorisations selon les interprétations contractuelles en présence et laisser ainsi au juge le soin de trancher sur la valorisation à retenir.

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