Émission d’un chèque et ouverture d’une procédure collective

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 2 mars 2022, n°20-20.181, n0154 D

Une société émet plusieurs chèques, mais, l’ouverture d’une procédure collective un 27 avril 2016 contraindra la banque a contrepassé les chèques au motif du défaut d’une provision suffisante au 23 avril précédent.

Un autre chèque sera rejeté le 28 avril 2017 en cours de procédure alors que le plan de redressement sera adopté le 12 avril 2017.

La banque sera assignée conjointement par la société et le commissaire à l’exécution du plan en annulation des incidents de rejet des chèques et demande la régularisation du compte à date antérieure à la procédure collective.

La cour d’appel les déclare mal fondés en leurs demandes au motif que l’inscription provisoire des chèques au débit du compte, sous réserve d’une provision suffisante, ne constitue pas une facilité de caisse, de sorte que la banque n’a recouvré aucune créance en procédant à la contre-passation en crédit du montant des chèques.

Un pourvoi est alors formé, mais ne sera pas suivi.

Alors que la société et le commissaire à l’exécution du plan soutiennent « qu’en l’espèce, l’avance de fonds faite par la Banque CIC Est lors de la présentation des chèques litigieux par leur bénéficiaire, en l’absence de provision suffisante sur le compte courant de la société Jeantech, constituait une créance antérieure à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de cette dernière, interdisant à la banque de contre-passer le montant des chèques lors de leur rejet ultérieur ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a méconnu le principe d’interdiction de paiement des créances antérieures à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, et violé les articles L. 622-7 et L. 631-14 du code de commerce. »

Comme indiqué la Cour ne suivra pas ce raisonnement en précisant :

« 6. Après avoir rappelé que l’article L. 131-73 du code monétaire et financier impose à la banque tirée, préalablement au rejet d’un chèque pour défaut de provision suffisante, d’informer le titulaire du compte, par tout moyen approprié, des conséquences du défaut de provision, l’arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que l’historique du compte de la société Jeantech montre que, lorsque les chèques litigieux ont été inscrits au débit du compte, entre le 18 et le 26 avril 2016, celui-ci présentait un solde débiteur depuis le 12 avril précédent et que, concomitamment à ces inscriptions au débit du compte, la banque a alerté sa cliente qu’à défaut de constitution d’une provision suffisante dans les 48 heures, elle se trouverait dans l’obligation de rejeter les chèques, avec déclaration auprès de la Banque de France. Il retient qu’en l’absence de découvert autorisé, elle était fondée à rejeter les chèques litigieux pour défaut de provision, tout en procédant, pour ce motif, à la contre-passation de leurs montants au crédit du compte le 27 avril 2016. De ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu’au moment de l’ouverture de la procédure collective, la banque, qui avait informé sa cliente de son intention de rejeter les chèques si la provision n’était pas constituée, n’avait pas pris la décision de les payer et ne lui avait donc pas consenti d’avance, la cour d’appel a exactement déduit que l’inscription provisoire des chèques au débit du compte, sous réserve d’une provision suffisante, ne constituait pas une facilité de caisse, de sorte que la banque n’avait recouvré aucune créance en procédant à la contre-passation de ces écritures.

7.Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ; »

Ainsi, l’inscription provisoire d’un chèque au débit du compte du tireur avant son placement en redressement judiciaire, sous réserve d’une provision suffisante, n’est pas une avance de fonds faite par la banque tirée, de sorte qu’elle ne constitue pas une créance antérieure à l’ouverture de la procédure collective qui interdirait à la banque de procéder à la contre-passation du montant du chèque.

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