Elément d’équipement dissociable et garantie décennale

Equipe VIVALDI
Equipe VIVALDI

Source : CAA Bordeaux, 3e ch., 31 janv. 2022, n° 19BX02138

 

I.

 

C’est à l’occasion de la réalisation d’un marché public de travaux que la question de savoir si la garantie décennale devait s’appliquer à des désordres affectant les escalators d’un métro s’est posée.

 

II.

 

En 1ère instance comme en appel, le maître d’ouvrage a soutenu que les escalators litigieux relevaient de la garantie décennale des constructeurs, s’agissant d’éléments d’équipement indissociables, conformément aux dispositions de l’article 1792-2 du Code civil.

 

S’agissant des éléments d’équipement, il y a effectivement lieu de distinguer les éléments dissociables de ceux qui ne le sont pas dans la mesure où cette qualification influe sur le régime juridique applicable s’agissant de la responsabilité du constructeur.

 

Les éléments d’équipement sont considérés comme indissociables chaque fois qu’il est démontré qu’ils ne peuvent être enlevés, démontés ou remplacés sans détériorer l’ouvrage qu’ils équipent.

 

En l’espèce, les juges ont considéré que les escalators litigieux constituaient des éléments d’équipement dissociables dans la mesure où rien ne permettait d’affirmer que le démontage ou le remplacement des escaliers mécaniques ne pouvaient s’effectuer sans détériorer l’ouvrage que constitue la ligne de métro elle-même.

 

III.

 

La qualification d’élément d’équipement dissociable engendre une conséquence juridique importante : la responsabilité décennale des constructeurs n’a en principe pas vocation à être mise en œuvre.

 

Selon les dispositions de l’article 1792-2 du Code civil, les désordres affectant les éléments d’équipement indissociables relèvent de la garantie décennale des constructeurs.

 

En revanche, les éléments d’équipement dissociables relèvent, en principe, de la garantie de bon fonctionnement prévue à l’article 1792-3 du Code civil, étant précisé que cette garantie se prescrit par 2 ans à compter de la réception de l’ouvrage.

 

Cela étant, la garantie décennale est mobilisable chaque fois que les désordres, affectant un élément d’équipement dissociable, ont pour conséquence de compromettre la destination de l’ouvrage[1].

 

IV.

 

Cet arrêt se situe dans cette droite ligne étant toutefois précisé que l’impropriété à destination est appréciée de façon plus stricte en matière administrative.

 

Ici, la Cour administrative d’appel n’a pas suivi le raisonnement du maître d’ouvrage.

 

Elle a considéré que les escalators étaient des éléments d’équipement dissociables.

 

La Cour a par ailleurs rappelé les critères pris en compte pour apprécier l’impropriété à destination en présence de désordres affectant un élément d’équipement dissociable, à savoir :

 

  Les désordres doivent non pas uniquement rendre l’élément d’équipement impropre à sa destination mais l’ouvrage en lui-même dans son ensemble,

 

  Les désordres ne permettent plus un usage normal de l’ouvrage

 

  Les désordres compromettent la sécurité ou le confort normal des usagers

 

Par voie de conséquence, la Cour a considéré que les désordres affectant les escalators litigieux ne portaient pas atteinte à la destination de l’ouvrage, ces derniers ne compromettant pas le fonctionnement de la ligne dans son ensemble mais seulement celui des escaliers mécaniques.

 

Pour parvenir à cette conclusion, les juges ont relevé que :

 

  Le métro avait continué à fonctionner et les stations à être exploitées

 

  Aucune atteinte à la fluidité de la circulation des usagers n’avait été constatée puisque les stations de métros étaient également équipées d’ascenseur et d’escaliers fixes

 

  Quelques rares incidents sont survenus engendrant de légères blessures aux usagers lesquels avaient coincés leurs chaussures dans les marches qui s’étaient empilées mais ces incidents n’étaient pas suffisants pour estimer que les désordres avaient rendu les escaliers mécaniques dangereux pour les usagers au point de compromettre la destination de la ligne de métro dans son ensemble

 

  Aucune entorse aux règles d’évacuation en cas d’incendie n’a été relevée

 

[1] Cass. 3° civ., 15 juin 2017, n°16-19640 ; Cass. 3°civ., 14 septembre 2017, n°16-17323

 

Amandine ROGLIN

 

Avocat au Barreau de Lille

Partager cet article