Source : Cass. com., 23 octobre 2019, n°18-16.515, P+B + Cass. com., 23 octobre 2019, n°17.25-656, P+B
I – Les faits
Dans les deux espèces, le dirigeant d’une société se porte caution des dettes de celle-ci auprès d’un créancier. La société fait l’objet d’une liquidation judiciaire, dont la durée perdure à l’excès pour des raisons différentes. Les créanciers finissent par assigner les cautions, 11 ans et 15 ans plus tard selon les espèces. Les cautions invoquent en défense la prescription de l’action, vainement devant les juges du fond.
II – Les pourvois
Les cautions allèguent devant la Cour de cassation que l’interruption de la prescription par la déclaration de créance jusqu’à la clôture de la procédure collective porte atteinte à la sécurité juridique, et à l’égalité des armes dans la seconde espèce car, compte tenu de la durée imprévisible de la procédure collective, la durée de la prescription est elle-même imprévisible et peut être excessive. Les cautions concluent notamment à une atteinte à l’article 6, § 1 de la CESDH.
La Cour de cassation écarte l’argument, en rappelant que par principe la déclaration de créance au passif du débiteur principal, mis en procédure collective, interrompt la prescription à l’égard de la caution, l’interruption se prolongeant jusqu’à la clôture de la procédure collective.
Se fondant ensuite sur la finalité des redressement et liquidation judiciaires, elle énonce que la prolongation de ces procédures a pour objet le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’intérêt particulier de la caution, car son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur.
La Cour en conclut à l’absence d’atteinte à l’article 6, § 1 de la CESDH et à la sécurité juridique et à l’égalité des armes qui découlent de ce texte.
III – L’analyse
La durée des procédures collectives sur le terrain du droit européen a déjà abouti à la condamnation de la France[1], mais avant que la Loi de sauvegarde de 2005 n’intègre les injonctions de l’article 6, § 1 de la CESDH, en instituant des mécanismes tendant à raccourcir les délais des procédures collectives, notamment de la liquidation judiciaire, au profit des débiteurs et indirectement des cautions.
La Cour de cassation prend en outre la défense des cautions à revers, en soulignant que celles-ci ont intérêt à ce que tous les actifs du débiteur soient réalisés, quitte à ce que cela dilate la durée de la procédure. Dit autrement, la caution ne démontre aucun préjudice en pareil cas.
[1] CEDH, 17 janv. 2002, aff. 41476/98