Du 15 avril au 31 décembre 2020, les bailleurs sont encouragés à abandonner tout ou partie de leur loyer par la neutralisation des conséquences fiscales normalement applicables

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : Loi n°2020-473 du 25/04/2020 de finances rectificative pour 2020 (1) – article 3  

 

Dans le cadre de la pandémie du COVID 19, le gouvernement a exhorté les bailleurs commerciaux à abandonner leurs loyers pour venir en aide aux professionnels privés de revenus du fait des mesures de confinement.

 

La loi de finances rectificative pour 2020 adapte les conséquences fiscales de telles mesures.

 

D’un point de vue fiscal, il est en effet anormal qu’une entreprise renonce à percevoir un revenu. En « temps normal », l’administration fiscale réintègre dans le résultat imposable de l’entreprise ayant abandonné une créance le montant de cette créance dès lors qu’elle ne justifie pas d’un intérêt à venir en aide à son débiteur. Il peut par exemple être considéré comme normal l’abandon d’une créance pour venir en aide à un client et/ou une filiale qui constitue un débouché commercial important pour le créancier.

 

De façon dérogatoire, le législateur autorise les bailleurs à renoncer à leurs créances de loyer sans avoir à démontrer un intérêt particulier. Il considère ainsi qu’une telle mesure, au vu du contexte actuel, est légitime en soi.

 

Il prévoit néanmoins des limites à cette exception afin d’éviter les abus lorsqu’il existe des liens entre le locataire et le bailleur.

 

S’agissant des bailleurs relevant des revenus fonciers

 

Un article 14 B a été intégré au Code Général des Impôts et qui prévoit que ne constitue pas un revenu imposable les loyers faisant l’objet d’un abandon ou d’une renonciation entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 tout en permettant au bailleur de continuer à déduire de ses revenus les charges afférentes à l’immeuble donné en location.

 

Cette article précise toutefois que le bailleur doit justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie de l’entreprise locataire pour bénéficier de la mesure de faveur si l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur.

 

S’agissant des bailleurs relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

 

Il est ajouté un alinéa 9 au I de l’article 39 du Code Général des Impôts listant les charges pouvant être déduites pour la détermination du résultat imposable. Peuvent ainsi être déduits les « abandons de créances de loyer et accessoires afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise n’ayant pas de lien de dépendance avec le bailleur au sens du 12 du présent article consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020, dans leur intégralité ».

 

Ne sont pas déductibles les abandons de créances de loyer consentis à des entreprises ayant des liens de dépendance avec le bailleur.

 

Le même article 39 définit comme suit de tels liens : « Des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises :

 

  a-lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;

 

  b-lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre, dans les conditions définies au a, sous le contrôle d’une même tierce entreprise ».

 

Dans ce cas, les conditions de droit commun continuent de s’appliquer c’est-à-dire que le bailleur doit apporter la preuve de son intérêt à consentir l’abandon de créances.

 

S’agissant des bailleurs des bénéfices non commerciaux (BNC)

 

L’article 92 B du Code Général des Impôts dispose désormais « Les éléments de revenus relevant du présent VI ayant fait l’objet d’une renonciation dans les conditions et limites mentionnées au 9° du 1 de l’article 39 ne constituent pas une recette imposable de la personne qui a renoncé à les percevoir ».

 

De la même façon que pour les bailleurs relevant des BIC, l’intérêt de l’abandon de créance pour le bailleur doit être justifier en présence d’entreprise liées.

 

La situation des locataires

 

L’abandon de créance constitue pour les locataires un produit imposable qui neutralisera la charge déductible correspondant au loyer.

 

La loi de finances rectificative aménage les conditions de report en avant des déficits pour tenir compte des abandons de créance qui pourraient être consentis.

 

Pour mémoire, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d’un montant de 1 M € majoré de 50 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant.

 

Le 5e alinéa du I de l’article 219 du Code Général des Impôts prévoit ainsi que « pour les sociétés auxquelles sont consentis des abandons de créances mentionnés au 9° du 1 de l’article 39, la limite de 1 000 000 € mentionnée au troisième alinéa du présent I est majorée du montant de ces abandons de créances ».

 

Pour bénéficier de cet assouplissement, il est nécessaire que le locataire dispose d’un déficit constaté au cours de l’exercice précédant celui au cours duquel l’abandon sera accordé.

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