Capture d’images par drone pendant le confinement : Oui mais…

Johanna HENOCQ
Johanna HENOCQ

Source : CE, ordonnance du juge des référés, 18 mai 2020 n°440442

 

Même si le confinement est encore bien présent dans les mémoires, rappelons que c’est par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19 que le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d’être ordonnées par le représentant de l’Etat dans le département.

 

Dans l’actuelle période d’état d’urgence sanitaire, il appartient bien sûr aux différentes autorités compétentes de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie.

 

Ces mesures, qui peuvent limiter l’exercice des droits et libertés fondamentaux doivent alors être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent.

 

C’est dans ce contexte que le Préfet de police de Paris a mis en place un dispositif visant à capter des images par drones, à les enregistrer, à les transmettre et à les exploiter aux fins de faire respecter les mesures de confinement.

 

Deux associations parmi lesquelles la Ligue des Droits de l’Homme, ont saisi le juge administratif d’un référé-liberté en considérant que ce dispositif méconnaissait le droit au respect de la vie privée et la liberté d’aller et venir.

 

Ces moyens n’ont pas été retenus par le tribunal administratif de Paris, lequel a jugé qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales n’avait été commise.

 

En appel, le Conseil d’Etat est plus nuancé.

 

En effet, la Haute juridiction constate que l’ensemble des vols a été réalisé à partir de 4 appareils équipés d’un zoom optique X 3 et d’un haut-parleur filmant deux à trois heures par jour et que ces mesures de surveillance étaient destinées à donner aux forces de l’ordre chargées de faire respecter effectivement les règles de sécurité sanitaire, une physionomie générale de l’affluence sur le territoire parisien en contribuant à détecter, sur des secteurs déterminés exclusivement situés sur la voie ou dans des espaces publics, les rassemblements de public contraires aux mesures de restriction en vigueur pendant la période de déconfinement.

 

La finalité poursuivie par le dispositif litigieux était donc, de fait, légitime.

 

Toutefois, et c’est ici que le bât blesse, le dispositif constitue un traitement de données à caractère personnel relevant de la directive du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données.

 

Dès lors, ce traitement, qui est mis en œuvre pour le compte de l’Etat, relève des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique laquelle impose une autorisation par arrêté du ou des ministres compétents ou par décret, selon les cas, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

 

Ainsi, le Conseil d’Etat juge que compte tenu des risques d’un usage contraire aux règles de protection des données personnelles qu’elle comporte, la mise en œuvre, pour le compte de l’Etat, de ce dispositif de drones sans l’intervention préalable d’un texte réglementaire caractérise une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée.

 

Il a donc été mis fin sans délai à ce dispositif.

 

En un mot : La population peut tout à fait être épiée mais uniquement après autorisation des autorités compétentes !

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