Source : ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre), 31 mars 2022
En 2019, un consommateur de nationalité allemande avait commandé, par l’intermédiaire d’une plateforme de réservation en ligne exploitée par la société CTS Eventim, un fournisseur de services de billetterie, des tickets d’entrée à un concert.
Ce concert avait été annulé en raison des restrictions adoptées par les autorités allemandes dans le contexte de la pandémie de la Covid-19.
En avril 2020, l’acheteur avait demandé à CTS Eventim le remboursement du prix d’achat des billets d’entrée ainsi que de frais accessoires.
En réponse et conformément à la réglementation allemande relative à l’annulation d’activités de loisirs dans le contexte de la pandémie de la Covid-19, CTS Eventim, agissant pour le compte de l’organisateur du concert, avait fait parvenir à cette personne un bon à valoir émis par cet organisateur, d’un montant de 199 euros, correspondant au prix d’achat des billets.
Or, l’acheteur exigeait de CTS Eventim le remboursement du prix d’achat des billets d’entrée et non l’octroi d’un bon à valoir.
Appelée à se prononcer sur la validité de ce qu’elle considérait comme étant la rétractation du consommateur, la juridiction allemande estimait que l’exception au droit de rétractation ne saurait s’appliquer dès lors que cette exception ne devrait bénéficier qu’au prestataire direct d’un service lié à une activité de loisirs, en l’occurrence l’organisateur du concert, et non à un fournisseur de services de billetterie dont l’activité se limite à la cession d’un droit d’accès à ce concert.
C’est dans ce contexte que la juridiction allemande saisie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE la question préjudicielle suivante :
« Lorsque le professionnel ne fournit pas directement au consommateur un service lié à des activités de loisirs, mais vend au consommateur un droit d’accès à un tel service, cela constitue un motif suffisant pour exclure le droit de rétractation du consommateur ? »
Dans son arrêt du 31 mars 2022 (affaire C-96/21), s’il ne fait guère de doute pour la CJUE que la cession d’un droit d’accès à un concert est bien un service lié à une activité de loisirs, qu’en est-il quand le service est fourni par une autre personne que l’organisateur de l’activité de loisirs lui-même ?
Pour répondre à cette question, la CJUE rappelle l’objectif poursuivi par l’exception au droit de rétractation :
« L’octroi d’un droit de rétractation au consommateur pourrait également être inapproprié dans le cas de certains services pour lesquels la conclusion du contrat implique la réservation de capacités que le professionnel aura peut-être des difficultés à remplir en cas d’exercice du droit de rétractation ».
Ainsi, les organisateurs d’événements sportifs ou culturels pourraient avoir des difficultés très importantes concernant l’organisation desdits événements en cas d’exercice massif de ces droits de rétractation.
En clair, la balance entre le droit du consommateur et le risque qui pèse sur l’organisateur est favorable au second compte tenu des enjeux économiques importants.
Par conséquent, la CJUE privilégie le risque économique à l’exercice du droit de rétractation : si ce risque pèse, effectivement, sur l’organisateur de l’activité concernée, le délai de rétractation ne peut pas jouer, même quand le contrat a été conclu auprès d’un intermédiaire agissant pour le compte de cet organisateur.
La qualité d’intermédiaire ne change donc rien à la situation de l’application de l’exception, tant que le risque pèse sur l’organisateur.
Ainsi, le régime appliqué est identique entre l’achat direct des billets auprès de l’organisateur de l’événement et l’achat auprès d’un intermédiaire vendeur de billets pour un événement sportif ou culturel : il n’existe pas, en la matière, de droit de rétractation tant que le risque lié à l’exercice de ce droit pèse sur l’organisateur dudit événement.