Source : Tribunal de commerce de Paris, 2 septembre 2019, n° 2017/050625
I – LA PRATIQUE REPROCHEE ET LES SANCTIONS INFLIGEES
Suite à une enquête de la DGCCRF entre 2015 et 2017 sur les contrats et CGV signés entre Amazon Services Europe (ASE) et Amazon France Services (AFS) (ci-après « AMAZON ») d’une part et les vendeurs tiers relatifs aux places de marchés électroniques, le ministre de l’Economie et des Finances a assigné le géant américain sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce afin de juger de l’existence d’une soumission par AMAZON de ces vendeurs à un déséquilibre significatif.
Par un jugement du 2 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a condamné (ci-après « AMAZON ») à une amende civile de 4 millions d’euros au titre du déséquilibre significatif.
Même si la suppression de sept clauses litigieuses (sur les onze reprochées) a été exigée par les juges du premier degré, AMAZON ayant manifesté de bonne foi son choix et sa volonté de modifier rapidement et significativement les onze clauses dénoncées par la DGCCRF, les juges consulaires n’ont pas prononcé l’amende maximale de 5 millions d’euros prévue par l’article L. 442-6, II, 2° du Code de commerce.
II – LA DEMONSTRATION DU CARACTERE DESEQUILIBRE DE LA RELATION
La juridiction saisie a affirmé qu’il y avait effectivement soumission de ces cocontractants du fait de l’absence de négociation dans un contexte de puissance d’AMAZON par rapport aux vendeurs tiers.
La démonstration du déséquilibre dans les contrats et dans la relation commerciale a pu être établie notamment par le biais de :
La clause « modification du contrat » qui permettait à AMAZON de changer la convention « à tout moment », sans préavis, de manière discrétionnaire et sans obligation d’en aviser son cocontractant ;
La clause relative à la suspension ou la résiliation du contrat qui était constitutive d’un déséquilibre significatif en ce qu’elle était discrétionnaire, imprécise, en raison de l’absence de préavis et en ce que la durée de la suspension n’est pas contractuelle ni proportionnelle au manquement ;
Les clauses relatives à la maîtrise du compte qui donne droit à AMAZON d’interdire ou de restreindre l’accès au site du géant américain ont été jugées trop générales et imprécises dans leur rédaction ;
La clause relative à la garantie de A à Z d’AMAZON est défavorable aux vendeurs tiers en ce qu’elle autorise cette dernière à rembourser le client même en cas de non-retour du produit, même si après enquête la réclamation est considérée comme injustifiée et en ce qu’elle autorise l’affichage des dites réclamations avec celle justifiées.
En revanche, certaines clauses ont été jugées conformes par le tribunal de commerce de Paris en rejette ainsi le caractère abusif. Ainsi, à titre d’exemples, ne sont pas constitutives d’un déséquilibre significatif :
La clause de suspension de transaction qui autorise AMAZON à stopper une transaction de manière discrétionnaire en cas de fraude à la carte de crédit dès lors que cette suspension protège l’intérêt du consommateur ;
La clause qui autorise AMAZON à utiliser « les technologies, marques, contenu, informations produits, données » fournis par le vendeur tiers sur le site AMAZON pendant l’exécution du contrat et après son expiration dans la mesure où ces clauses sont indispensables à la distribution de produits sur les places de marché électroniques, qu’elles sont la contrepartie nécessaire de l’accès à la place ;
Les clauses relatives à l’exonération générale de responsabilité en cas de dysfonctionnement du site (panne, saturation ou virus) est considérée comme usuelle et équilibrée à double titre puisqu’elle assure un haut niveau d’indemnisation et qu’elle n’est pas limitée en cas de négligence grossière ou de la faute grave imputable à AMAZON