L’assignation doit être délivrée à l’assureur avant l’expiration du délai décennal, même en tenant compte de la prolongation de deux ans correspondant au temps où l’assureur est encore exposé au recours de son assuré.
Cass.3ème Civ., 10 juillet 2025, n23-20.135
C’est ce que rappelle la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation dans cet arrêt inédit.
En l’occurrence, un maitre d’ouvrage avait confié à un architecte assuré auprès de la MAF, la maîtrise d’oeuvre de la construction d’une maison d’habitation.
L’exécution du gros oeuvre avait été confiée à une entreprise, également assurée en responsabilité civile décennale qui avait sous-traité une partie des travaux de gros oeuvre à une société assurée auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles.
Les travaux avaient été achevés en 2001 sans que la réception soit prononcée de manière expresse.
L’immeuble avait ensuite été vendu et se plaignant de fissures infiltrantes et d’un affaissement de la bâtisse et de la terrasse, l’acquéreur avait, par actes des 13, 20 et 23 mai 2011, assigné en référé-expertise les vendeurs, la société MMA IARD et son assuré sous-traitant. L’architecte et la MAF avaient été assignés en intervention forcée par les vendeurs.
Après le dépôt du rapport de l’expert, l’acquéreur avait, par acte du 16 mai 2014, assigné au fond les vendeurs, l’architecte, la MAF, l’entreprise principale et son assureur. L’architecte avait assigné le sous-traitant en intervention forcée et son assureur, la société MMA IARD.
Ces dernières avaient soulevé l’irrecevabilité des demandes à leur égard.
La Cour d’appel ne les avait pas suivies, de sorte que les MMA, entre autres, avaient formé un pourvoi en cassation.
L’arrêt a été cassé comme suit :
« …
Sur le premier moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi n° B 23-22.518 des sociétés MMA
Enoncé du moyen
14. Les sociétés MMA font grief à l’arrêt de constater que l’ouvrage a été tacitement réceptionné le 11 juin 2001, de déclarer recevable l’action en responsabilité décennale exercée par l’acquéreur et de les condamner à lui payer, in solidum avec les vendeurs, la MAF et la société Bâtiment El Massira la somme de 929 629 euros TTC outre indexation et TVA, alors « que dans leurs conclusions d’appel, les sociétés MMA indiquaient que M. [S] avait, le 13 mai 2011, assigné en référé expertise M. [C] et les sociétés MMA en qualité d’assureur de ce dernier, qu’il avait, les 20 et 23 mai 2011, assigné en référé expertise la société Bâtiment El Massira, mais qu’il n’avait jamais assigné les sociétés MMA en leur qualité d’assureur de cette société, seul M. [E] les ayant assignées en cette qualité, mais seulement le 26 avril 2016, de sorte que l’action de M. [S] et des autres parties défenderesses à l’encontre des sociétés MMA, ès-qualités d’assureur de la société Bâtiment El Massira était prescrite pour avoir été délivrée plus de dix ans après la réception et plus de deux ans après l’assignation délivrée à la société Bâtiment El Massira ; qu’en omettant de répondre à ces conclusions pertinentes, la cour d’appel, qui a fixé la réception tacite au 11 juin 2001, a privé sa décision de motifs et a violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 455 du code de procédure civile :
15. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
16. Pour déclarer que l’action de l’acquéreur était recevable et condamner la société MMA IARD assurances mutuelles, en sa qualité d’assureur de la société Bâtiment El Massira, à lui payer certaines sommes, l’arrêt constate que l’ouvrage a été tacitement réceptionné le 11 juin 2001 et en déduit que l’action de l’acquéreur fondée sur la responsabilité décennale est recevable.
17. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des sociétés MMA, qui soutenaient qu’aucune assignation ne leur avait été délivrée avant l’expiration du délai décennal, en leur qualité d’assureur de la société Bâtiment El Massira, même en tenant compte de la prolongation de deux ans correspondant au temps où l’assureur est encore exposé au recours de son assuré, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé…. »