Contrat international d’agent commercial: la loi choisie par les parties peut être écartée au profit de la loi du for.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : CJUE 17 octobre 2013 aff. 184/12, 3e ch.

 

Un agent commercial est mandaté par une société bulgare. Le contrat soumettait expressément tous litiges à la loi bulgare.

 

Lors de la rupture du mandat, l’agent commercial a assigné son mandant devant les juridictions belges afin d’obtenir le règlement de diverses indemnités au titre de la loi belge. La société mandante faisait valoir que le droit bulgare choisi par les parties devait être appliqué car il offrait à l’agent la protection suffisante, dès lors que la directive 86/653 du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants avait été régulièrement transposée.

 

Saisie du litige, la Haute juridiction belge, « le Hof van Cassatie », a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

 

«Compte tenu […] de la qualification en droit belge des articles 18, 20 et 21 de la loi [de 1995], en cause dans la procédure, de lois de police au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la convention de Rome, les articles 3 et 7, paragraphe 2, de [cette convention], lus on non en combinaison avec la directive [86/653], doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils permettent que les lois de police du pays du juge qui offrent une protection plus étendue que la protection minimale imposée par la directive [86/653], soient appliquées au contrat, même s’il apparaît que le droit applicable au contrat est le droit d’un autre État membre de l’Union européenne dans lequel c’est également la protection minimale offerte par la directive 86/653 qui a été mise en œuvre?»

 

En d’autres termes, les législations belge et bulgare, Etats membres, ont chacune transposé la directive 86/653 du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, mais la législation belge était allé plus loin que le dispositif minimal de protection de l’agent commercial, en considérant les dispositions complémentaires ainsi prises comme loi de police présentant un caractère impératif.

 

Il s’agissait pour la Cour de justice de déterminer si les articles 3 et 7§2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, qui prévoient que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties » , mais qu’il « pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit si et dans la mesure où , selon le droit de ce pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat », permettaient d’écarter la loi choisie par les parties en faveur de la lex fori ?

 

La Cour y a répondu par l’affirmative : «  la loi d’un État membre de l’Union européenne qui satisfait à la protection minimale prescrite par la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, choisie par les parties à un contrat d’agence commerciale, peut être écartée par la juridiction saisie, établie dans un autre État membre, en faveur de la lex fori pour un motif tiré du caractère impératif, dans l’ordre juridique de ce dernier État membre, des règles régissant la situation des agents commerciaux indépendants uniquement si la juridiction saisie constate de façon circonstanciée que, dans le cadre de cette transposition, le législateur de l’État du for a jugé crucial, au sein de l’ordre juridique concerné, d’accorder à l’agent commercial une protection allant au-delà de celle prévue par ladite directive, en tenant compte à cet égard de la nature et de l’objet de telles dispositions impératives. »

 

Les parties n’ont donc plus toute latitude pour déterminer entre elle la loi applicable au contrat, ce qui est source d’insécurité juridique.

 

Cette solution, prise par application de la Convention de Rome, est transposable au règlement CE 593/2008 du 17 juin 2008, dit Rome I, qui a remplacé la Convention de Rome et repris les dispositions de l’article 7 de la convention dans son article 9, qui en outre a défini la loi de police : c’est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi Avocats

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