Contrat de travail apparent : Celui qui invoque son caractère fictif doit en rapporter la preuve.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 13 avril 2022, n°20-23.668 (F-D Cassation).

Un associé fondateur et égalitaire d’une société de BTP prétendait avoir été embauché suivant contrat à durée indéterminée du 02 avril 2012 en qualité de chef d’équipe façade par ladite société. Il a saisi le Conseil de prud’hommes en référé pour obtenir le règlement de ses salaires, demande satisfaite par une ordonnance du11 juillet 2013.

Par jugement du Tribunal de Commerce du 08 avril 2014 la société a été placée en liquidation judiciaire.

Par requête du 18 décembre 2015, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes demandant de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et fixer au passif de la liquidation judiciaire certaines sommes à titre de rappel de salaires et d’indemnités outre des dommages et intérêts.

En cause d’appel, cette affaire par-devant la Cour d’appel de LYON, laquelle dans un arrêt du 03 juillet 2019 va rendre un arrêt confirmatif rejetant les demandes du salarié considérant que celui-ci n’avait pas la qualité de salarié de la société.

La Cour d’appel relève que le salarié produisait un contrat de travail non signé du 31 mars 2012 mentionnant qu’une déclaration préalable à l’embauche aurait été effectuée auprès de l’URSSAF, faisant état de sa qualité de chef d’équipe, ainsi que des bulletins de salaire pour la période du 02 avril 2012 au mois de décembre 2012.

Mais elle considère que, pour autant, le salarié ne démontre pas avoir encaissé les salaires correspondant aux bulletins de paie de salaire produits pour l’année 2012 et qu’il n’avait pas produit non plus la déclaration d’embauche visée au contrat de travail non signé alors que dans le même temps il était associé de la société. Elle en déduit qu’il n’existe pas de contrat apparent et que c’était au demandeur de démontrer qu’il avait la qualité de salarié de cette société.

Considérant qu’aucune preuve de l’existence d’un lien de subordination n’était rapportée (instruction, directive, lieu de travail) la Cour d’appel considère que l’existence d’un contrat de travail n’est pas rapportée.

En suite de cette décision, le salarié forme un Pourvoi en Cassation.

A l’appui de son pourvoi il reproche à l’arrêt d’appel d’avoir jugé qu’il n’était pas salarié de la société prétendant que l’existence d’un contrat de travail apparent découle notamment de la délivrance de bulletins de paie.

Il soutient que la production des bulletins de paie pour la période du 02 avril au mois de décembre 2012 laissait présumer l’existence d’un contrat de travail apparent, la preuve de son caractère fictif devant être alors apportée par le liquidateur judiciaire de la société.

Or en jugeant au contraire qu’il n’existait pas de contrat apparent et que c’était au salarié de démontrer qu’il avait la qualité d’un salarié de la société, la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article L 1221-1 du Code du travail et l’ancien article 1315 du Code civil.

Bien lui en prit, puisque la Chambre sociale de la Haute Cour énonçant qu’il résulte de ces textes qu’en présence d’un contrat de travail apparent il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve, elle censure la Cour d’appel qui avait constaté que le salarié avait produit un contrat de travail non signé mentionnant l’existence d’une déclaration préalable à l’embauche et des bulletins de paie pour la période du 02 avril 2012 au mois de décembre 2012 ce dont il résultait l’existence d’un contrat de travail apparent et considéré que c’était au salarié de démontrer sa qualité de salarié, et que cette preuve n’était pas rapportée dans la mesure où il ne démontrait pas avoir encaissé les salaires correspondant aux bulletins de paie produits pendant l’année 2012 et n’avait pas produit la déclaration d’embauche visée au contrat de travail non signé alors qu’il était dans le même temps associé de la société.

Par suite, considérant que la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve, la Chambre sociale casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon.

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