Contenu de l’indemnisation du préjudice lié à une rupture brutale des relations commerciales établies

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE :    

 

Cass Com., 20 octobre 2015, n°14-18753

Cass com., 15 janvier 2013, n°12-17553

 

Conformément aux dispositions de l’article L442-6 I 5° du Code de commerce,

 

« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait (…) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale (…) » ;

 

et de l’article 1382 du Code civil, la faute du partenaire commercial, qui rompt des relations commerciales avec son contractant sans respecter un préavis suffisant, l’oblige à réparer le préjudice subi par le cocontractant en raison de ce manquement.

 

Dans un précédent article[1], Vivaldi-chronos vous précisait que le préjudice est d’abord évalué au regard de la marge bénéficiaire brute que la victime aurait été en droit d’escompter en l’absence de rupture de relations commerciales, majorée de préjudices accessoires ou complémentaires, sous réserve qu’ils soient en lien de causalité avec la brutalité de la rupture, et non avec la seule rupture[2].

 

Ce que rappelle la Cour de cassation aux juges du fond, tant berruyers orléanais (sur renvoi après cassation), dans cette affaire, dans laquelle une société met fin aux relatons commerciales entretenues depuis 12 ans de avec son sous-traitant, qui l’assigne sur le fondement des dispositions susmentionnées.

 

La Cour d’appel de BOURGES, par un arrêt du 23 février 2012, avait pu relever que la rupture était brutale, et condamné son auteur au titre, notamment, des investissements réalisés par la victime deux années avant la rupture, puisque selon les juges berruyers, à l’instar d’autres juridictions du fond[3], les investissements lourds, effectués et non rentabilisés, devaient être inclus dans le préjudice.

 

La Cour de cassation ne partage pas cette position de principe et reproche aux juges du fond de ne pas « préciser en quoi l’absence de préavis avait été de nature à engendrer un préjudice à ce titre » et donc, l’amalgame entre le préjudice résultant de la rupture (non indemnisable) et le préjudice inhérent à la brutalité de la rupture.

 

Cette confusion entre les préjudices sera réitérée par la Cour d’appel d’Orléans, statuant en Cour de renvoi, qui condamne l’auteur de la rupture aux règlements de sommes relatives :

 

– A des licenciements de personnels ;

 

– Au règlement de loyers du bail de la société victime

 

Comme les investissements, les licenciements de personnels ont pu parfois être inclus par des juges du fond dans l’assiette des dommages et intérêts[4]. Il n’en demeure pas moins que le lien de causalité avec la brutalité de la rupture n’est pas évident, et doit être démontré, ce que rappelle la Cour de cassation aux juges orléanais :

 

« Qu’en statuant ainsi, alors que seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même, la cour d’appel a violé les textes susvisés »

 

De même pour l’indemnisation du règlement des loyers d’un bail : les juges du fond doivent « préciser en quoi en quoi l’absence de préavis avait été de nature à engendrer un préjudice à ce titre ».

 

La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Orléans, et renvoi l’affaire devant la Cour d’appel de Paris, qui a  pu, dans un récent arrêt, insérer le coût de licenciements dans l’assiette du préjudice de la victime lorsque ce poste résulte directement de la brutalité de la rupture[5], ou à défaut, l’exclure de l’indemnisation de la victime[6].

 

Nul doute que la Cour d’appel de Paris veillera à justifier le lien entre chaque préjudice et la brutalité de la rupture.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1]Cf article Vivaldi-chronos : Tout ce que vous avez voulu savoir sur la brutale rupture de relations commerciales établies en 8 questions

[2]CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 20 janvier 2011, n° 10/01509,

[3] CA Douai, 15 mars 2001, D.2002.307 note Ch. ANDRE “l’obligation de modérer le dommage en droit interne” ; CA Angers, 24 janv. 2006,RG n° 05/00067 ; CA Paris, 5ème ch. B, 8 janv.2009, JurisData n° 2009-373707.

[4] CA Versailles 13 novembre 2008 n° 07-5227

[5] CA Paris, Pôle 5, chambre 4, 2 Septembre 2015 – n° 15/03440

[6] CA Paris, Pôle 5, chambre 5, 11 Juin 2015 – n° 14/22133 ; CA PARIS, Pôle 5, chambre 11, 4 Septembre 2015 – n° 15/04137

 

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