Condamnation d’un prestataire pour perte des données d’un client

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

SOURCE : Tribunal de commerce de Nanterre, jugement du 23 avril 2019, aff. Haulotte Group c/ CapGemini France

 

La société Haulotte Group, fabricant de nacelles élévatrices de personnes, a signé un contrat d’infogérance de ses sites industriels avec la société CapGemini France, ayant pour activité le conseil en systèmes de gestions informatiques.

 

Il était notamment prévu au contrat la mise en place de sauvegardes sécurisées, comprenant la restauration des données et un archivage informatique des fichiers du client.

 

En 2011, l’un des sites de la société Haulotte Group a subi un dysfonctionnement, de sorte qu’il a été préconisé de recréer le disque logique et de restaurer les données. Seulement, la restauration des données s’est révélée parcellaire et de nombreux fichiers ont été perdus.

 

La société Haulotte Group a donc saisi le juge des référés pour qu’un expert judiciaire rende un rapport destiné à établir la réalité, la nature et le volume des fichiers disparus et évaluer le préjudice matériel subi.

 

Le Tribunal de commerce de Nanterre, saisi au fond de la demande d’indemnisation de la société Haulotte Group, constate tout d’abord, au regard du rapport d’expertise, que la société CapGemini France n’a effectivement pas été en mesure de satisfaire à son engagement contractuel de remettre en état opérationnel les données suite à l’incident, de sorte que la résiliation du contrat par le client était justifiée.

 

Concernant le calcul des dommages et intérêts dus à la société Haulotte Group, le Tribunal part du constat que la faute de la société CapGemini France a privé sur le moment la société Haulotte Group de fichiers nécessaires à la poursuite de son activité.

 

Le contrat d’infogérance ne prévoit pas le règlement d’une indemnisation forfaitaire, mais fixe un plafond d’indemnisation dans la limite du préjudice du client, ce qui constitue selon le Tribunal une clause limitative de responsabilité et non une clause pénale. Le Tribunal ne peut, même d’office, remettre en cause la clause contractuelle de plafonnement, mais peut toutefois modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire, conformément à l’article 1152 du Code civil, dans sa version applicable au litige.

 

Le Tribunal observe que l’expert judiciaire indique dans son rapport final que le coût du préjudice matériel des fichiers estimés perdus et utiles est égal au coût de la vérification et à celui de la reconstitution des fichiers concernés valorisée avec un taux horaire. Il ressort des éléments de l’expertise que la valorisation du préjudice se situe dans une fourchette comprise entre 509.325 euros et 1.401.850 euros.

 

Dans le respect de l’application de la clause contractuelle, le Tribunal, usant de son pouvoir d’appréciation, décide que le préjudice de la société Haulotte Group du fait de la perte des données perdues et utiles atteint le plafond contractuel convenu, soit la somme de 537.896,04 euros, ce qui correspond contractuellement à la valeur d’une année de rémunération.

 

Si aucune clause limitative de responsabilité n’avait été insérée au contrat, il apparaît, au regard de la motivation du juge, que le montant de l’indemnité allouée à la société Haulotte Group aurait été bien supérieur.

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