Compatibilité de servitudes d’utilité publique au regard d’un bail commercial

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Ces dernières sont susceptibles d’avoir une incidence sur la constructibilité des sols, plus largement sur l’occupation des sols, mais aussi sur les activités autorisées, comme par exemple l’exploitation d’un fonds de commerce. Preuve en est avec l’arrêt du 8 décembre 2021 de la troisième chambre civile.

 

SOURCE : Cass. civ 3ème, 8 décembre 2021, n°20-18464, Inédit

 

I –

 

Dans les faits, un arrêté départemental en date du 4 mars 2010 a institué des servitudes d’utilité publique sur des parcelles polluées provoquées par l’exploitation d’une compagnie pétrochimique consistant notamment en l’interdiction de toute construction à usage autre qu’artisanal ou industriel et de toutes constructions et travaux nécessitant la réalisation de fouilles à des profondeurs supérieures à cinquante centimètres, sans réalisation d’une étude de sols préalable.

 

Par acte authentique en date du 17 décembre 2014, une SCI acquiert une parcelle compris dans le périmètre des servitudes d’utilité publique en vue d’y faire édifier un entrepôt et de donner une partie du bâtiment à bail commercial.

 

Dans le but d’aménager les locaux pour y exercer une activité de restauration, le locataire dépose en mairie une autorisation de travaux … refusée au motif de la localisation de la parcelle dans la zone de la servitude d’utilité publique.

 

Le bailleur sollicite dans un premier temps amiablement auprès de la compagnie pétrochimique à l’origine de la pollution  une demande d’indemnisation de son préjudice puis l’assigne aux mêmes fins.

 

II –

 

La requérante fait grief à l’arrêt de rejeter toutes ses demandes indemnitaires au visa de  l’article L515-11 du Code de l’environnement qui précise que :

 

« Lorsque l’institution des servitudes prévues à l’article L. 515-8 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit.

 

(…) 

 

Le juge limite ou refuse l’indemnité si une acquisition de droits sur un terrain a, en raison de l’époque à laquelle elle a eu lieu ou de toute autre circonstance, été faite dans le but d’obtenir une indemnité ».

 

Elle fait également valoir que l’institution de servitudes d’utilité publique limitant l’usage des sols et du sous-sol entraîne un préjudice direct, matériel et certain subi par le propriétaire consistant en une diminution de la valeur vénale par rapport à un bien non situé dans la zone touchée par la servitude.

 

III –

 

Insensible à ces développements, la Haute juridiction approuve la décision de la Cour d’appel en jugeant que cette dernière a constaté que la servitude environnementale préexistait à l’acquisition par la SCI de la parcelle, et que cette servitude, annexée au plan d’occupation des sols (POS), était devenue opposable à tous à compter de la fin du mois à compter de la publication de la délibération du conseil municipal modifiant le POS.

 

La troisième chambre civile juge également que la SCI avait connaissance de la servitude avant même l’achat de la parcelle, et que l’acte de vente stipulait dans le paragraphe « renseignements d’urbanisme » que l’acquéreur reconnaissait avoir pris connaissance d’une note de renseignement d’urbanisme, et qu’il s’obligeait à faire son affaire personnelle de l’exécution du respect des servitudes publiques et autres limitations administratives au droit de propriété mentionnées sur les documents sans recours contre le vendeur.

 

Les préjudices alléguaient ne découlaient donc pas de l’instauration de la servitude d’utilité publique, mais de sa décision de changer la destination de l’entrepôt d’artisanat qu’elle y avait fait édifier en le donnant à bail commercial pour une activité de restauration en dépit des règles imposées par la servitude, et qu’elle ne pouvait plus arguer d’une perte de valeur vénale de son fonds, dès lors que la servitude d’utilité publique préexistait à son achat.

 

En conséquence, le pourvoi est logiquement rejeté.

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