Commission de faits fautifs justifiant un avertissement : A qui revient la preuve de la connaissance par l’employeur dans le délai de deux mois ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de cassation du 25 mai 2022, n°19-23.381 (F-D Cassation).

Un salarié a été engagé en qualité de Chef de projet statut cadre par une société ayant pour activité la vente et l’installation de cuisines professionnelles, par contrat à durée indéterminée du 14 mai 2012.

En date du 17 décembre 2014, l’employeur adressait un avertissement à son salarié dans le cadre d’une série d’erreurs et de non-respect de ses obligations contractuelles.

A la suite d’un différend relatif notamment au paiement de la prime variable d’objectif, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes d’une demande résiliation judiciaire de son contrat de travail par acte du 23 mars 2015.

Pour finir le salarié était convoqué à un entretien préalable le 06 avril 2015 puis licencié par courrier recommandé AR du 24 avril 2015 pour cause réelle et sérieuse compte-tenu de manquements à ses obligations contractuelles.

En cause d’appel, cette affaire arrive par-devant la Cour d’appel de PARIS, laquelle dans un arrêt du 11 septembre 2019 va rendre un arrêt confirmatif jugeant que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Concernant l’annulation du 17 décembre 2014, la Cour d’appel adopte l’argument des premiers juges ayant souligné que la lettre d’avertissement expose plusieurs reproches, huit au total, ce qui est un nombre significatif et que les faits ne sont pas datés et qu’il est possible que certains soient prescrits, mais que la charge de la preuve reposant sur les deux parties, il apparaît que dans aucun des deux dossiers, il ne soit possible de prouver des éléments pour conclure sur ce point, de sorte qu’elle valide l’avertissement infligé au salarié.

En suite de cette décision, le salarié forme un Pourvoi en Cassation sur la question des repos compensateurs non pris et sur l’annulation de l’avertissement du 17 décembre 2014. Concernant l’avertissement, le salarié reproche à l’arrêt d’appel de l’avoir débouté de sa demande, prétendant que lorsque les faits sanctionnés par un avertissement ne sont pas datés, il appartient seulement à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites.

Et bien lui en prit, puisque la Chambre sociale de la Haute Cour va accueillir son argumentation.

Soulignant que les dispositions de l’article 1332-4 du Code du travail précisent qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, et soulignant que l’arrêt d’appel a considéré que la charge de la preuve reposant sur les deux parties, il apparaissait que dans aucun des dossiers, il n’était possible de trouver des éléments pour conclure sur ce point, alors qu’il ressortait de ses constatations que les faits fautifs invoqués à l’encontre du salarié n’étaient pas datés et que l’employeur n’établissait pas qu’il en avait eu connaissance moins de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires à l’encontre du salarié, elle en conclut que la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations.

Par suite, la Chambre sociale de la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel sur ce point au visa de l’article L 1332-4 du Code du travail.

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