Cession de parts sociales : caractérisation du dol du cédant entraînant la nullité de la vente.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 30 mars 2016, Arrêt n° 316 FS-P+B (n° 14-11.684).

 

Un couple et leurs deux enfants ont vendu par acte sous seing privé du 29 juin 2006, l’ensemble des parts qu’ils détenaient dans le capital d’une société de mécanique de précision pour un prix immédiatement payé à concurrence de 300 000 €, le solde dû sur le prix définitif devant être établi au vu des comptes arrêtés au 31 mai 2006 et payé avant le 15 septembre 2006.

 

A la suite d’un désaccord persistant entre acheteurs et vendeurs sur la fixation du prix définitif, les acquéreurs prétendant avoir été victime d’un dol de la part des cédants, les ont assignés en annulation de la cession de parts sociales, en restitution du prix versé et en paiement de dommages et intérêts.

 

Saisie de cette affaire, la Cour d’Appel de CAEN, dans un Arrêt du 04 juillet 2013, relevant que la dissimulation intentionnelle de l’effondrement prévisible du chiffre d’affaires constitue en effet une réticence dolosive ayant empêché l’acquéreur d’apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement, et relevant que la hausse massive des prix de vente par gonflement abusif du coût horaire des prestations constituait une manœuvre dolosive qui, outre l’insatisfaction de certains clients, a amélioré de façon trompeuse les résultats de la société cédée et partant le prix définitif des parts, il s’en déduit que les acquéreurs ont bien été victimes d’un dol, de sorte que la cession des parts doit être annulée par application de l’article 1116 du Code Civil.

 

Ensuite de cette décision, les vendeurs forment un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de leur pourvoi, ils précisent que seul le dol principal ou déterminant [lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans elles, l’autre partie n’aurait pas contracté], aurait pu entraîner la nullité du contrat de cession, ce qui n’est pas le cas du dol incident relevé par la Cour d’Appel selon laquelle il résultait des énonciations de l’Expert que si les acquéreurs avaient eu connaissance de l’ensemble des faits reprochés au moment de l’acquisition de l’entreprise, ils en auraient certainement revu les modalités d’acquisition, ce qui caractérise un dol incident non susceptible d’entraîner la nullité du contrat de cession, la nullité ainsi prononcée par l’Arrêt d’Appel violant les dispositions de l’article 1116 du Code Civil.

 

Mais la Chambre Commerciale ne va pas retenir cette argumentation.

 

Relevant au contraire que soulignant que les vendeurs avaient, par une hausse massive des prix de vente, donné une image trompeuse des résultats atteints par la société cédée au cours des mois ayant précédé la cession, et qu’ils avaient dissimulé à l’acquéreur les informations qu’ils détenaient sur l’effondrement prévisible du chiffre d’affaires réalisé avec au moins deux des principaux clients de l’entreprise, l’Arrêt d’Appel a souverainement retenu que ces éléments étaient déterminant pour le cessionnaire, lequel n’avait pas été mis en mesure d’apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement et n’aurait pas accepté les mêmes modalités d’acquisition s’il avait eu connaissance de la situation exacte de cette société, n’a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations en décidant que les réticences dolosives imputables aux cédants entraînaient la nullité de la cession.

 

Par suite, la Haute Juridiction rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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