Caractérisation du harcèlement moral par l’absence de respect des préconisations du médecin du travail.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 07 janvier 2015, Arrêt n°7 F-D (n° 13-17.602).

 

Une salariée fut embauchée le 30 janvier 1989 par une entreprise ayant pour activité la peinture industrielle et l’émail au four, au poste de préparatrice emballage.

 

Le médecin traitant de la salariée écrivit en décembre 2007 une lettre à l’entreprise, précisant qu’il la considérait inapte à son poste de travail pour des problèmes de poignets.

 

Pour autant, en avril 2009, la salariée fut affectée à un poste de travail consistant à approvisionner une cabine de peinture, à effectuer un contrôle qualité, puis à réaliser l’emballage et l’étiquetage des produits.

 

Placée en arrêt de travail, elle fut déclarée apte à la reprise avec une recommandation d’éviter le port et les manutentions de charges lourdes, puis à la suite d’un nouvel arrêt, elle fut déclarée apte à la reprise avec la mention d’éviter le port de charges lourdes de plus de 17 kg.

 

Le 31 janvier 2011, la salariée écrivit une lettre recommandée à son employeur indiquant son impossibilité de continuer son activité dans l’entreprise pour dégradation de ses conditions de travail et harcèlement moral.

 

Elle demandait donc la requalification de sa démission en une rupture abusive aux torts de son employeur.

 

Elle fut tout d’abord déboutée de ses demandes par un Jugement du Conseil des Prud’hommes de VALENCE du 13 décembre 2011, avant que la Cour d’Appel de GRENOBLE, dans un Arrêt du 21 mars 2013 n’accueille ses demandes, considérant d’une part que la société avait manqué à son obligation d’adapter le poste de travail de la salariée au besoin de sa santé et à l’état de sa morphologie, et considérant en outre que l’attitude réitérée de l’employeur conduisant à la dégradation des conditions de travail de la salariée par le refus d’adapter son poste de travail et le fait de lui confier de manière habituelle une tache dépassant ses capacités, mettant en jeu sa santé, était par là-même constitutive d’un harcèlement moral au sens de l’article L.115-1 du Code du Travail.

 

Par suite, la Cour décide que l’ensemble des fautes imputables à l’employeur justifie la rupture du contrat de travail aux torts de l’entreprise, cette rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur se pourvoit en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur reproche à l’Arrêt d’appel d’avoir substitué sa propre appréciation de la situation à celle du médecin du travail qui avait jugé compatible le poste de travail avec les aptitudes physiques de la salariée et déclaré celle-ci apte à l’occuper, ce d’autant que l’employeur avait sollicité à plusieurs reprises l’avis du médecin du travail sur la compatibilité du poste auquel la salariée était affectée.

 

Par ailleurs, l’employeur reproche également à l’Arrêt d’appel d’avoir considéré que pouvait s’analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral une décision de l’employeur de maintenir, en dépit de ses protestations, le salarié à son poste de travail pourtant déclaré conforme à ses aptitudes physiques par le médecin du travail.

 

Mais la Chambre Sociale, dans l’Arrêt précité du 07 janvier 2015, va rejeter les prétentions de l’employeur, relevant au contraire d’une part que la Cour d’Appel qui a constaté que le poste de travail de la salariée comportait de manière habituelle un port de charges d’un poids excessif contraire, au moins pendant un certain temps, aux préconisations du médecin du travail, elle a pu en déduire que l’employeur avait gravement nui à la santé de l’intéressée, et que d’autre part ayant retenu que l’attitude réitérée de l’employeur ayant entraîné la dégradation des conditions de travail de la salariée par le refus d’adapter son poste et le fait de lui confier, de manière habituelle, une tache dépassant ses capacités, mettant en jeu sa santé, la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision et caractérisé un harcèlement moral.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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