Source : 3ème civ, 13 septembre 2018, n°16-26.049, F-P+B+I
Le bailleur peut, aux termes de l’article L145-14 du Code de commerce, « refuser le renouvellement du bail mais doit (…) payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement » comprenant notamment « la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur ».
L’indemnité d’éviction doit réparer tout le préjudice[1] mais rien que le préjudice du preneur[2]. Elle est composée d’une indemnité principale de transfert ou remplacement du fonds de commerce, et accessoire indemnisant les préjudices satellites, parmi lesquelles figurent les frais de réinstallation du preneur, nécessaire à la reprise d’activité dans des nouveaux locaux.
Ainsi, les aménagements spécifiques semblables à ceux perdus doivent être indemnisés sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’amortissement des installations abandonnées[3].
Un arrêt du 21 mai 2014 avait toutefois considéré que l’accession sans frais du bailleur aux travaux réalisés par le preneur conduisait à retirer lesdits travaux du calcul de l’indemnité. Le Preneur, qui avait édifié sur un terrain nu un immeuble en exécution du bail commercial, était ainsi contraint de se satisfaire d’une indemnité d’éviction portant uniquement sur la perte du terrain nu sans construction[4]. L’arrêt se faisait l’écho d’une précédente décision de 2003 qui jugeait qu’en présence d’une clause d’accession en fin de bail, l’indemnité d’éviction ne saurait inclure une indemnité accessoire à raison de travaux non amortis[5]
En l’espèce, sans doute inspiré par ces décisions, un bailleur estimait que lorsqu’un bail commercial contient une clause d’accession au profit du bailleur en fin de bail, l’indemnité d’éviction due au preneur en cas de non-renouvellement doit s’apprécier en l’état des locaux sans les constructions et améliorations réalisées par le preneur en cours de bail.
La Cour de cassation, confirmant l’arrêt déféré, ne partage pas cette position est considère que les agencements et aménagement, même devenus propriété du bailleur par voie d’accession, entre dans l’assiette de l’indemnité d’éviction :
« Mais attendu qu’une clause d’accession sans indemnité stipulée au profit du bailleur ne fait pas obstacle au droit du preneur évincé d’être indemnisé des frais de réinstallation dans un nouveau local bénéficiant d’aménagements et équipements similaires à celui qu’il a été contraint de quitter ; que la cour d’appel a relevé que le bail initial contenait une clause d’accession en fin de bail au profit du bailleur et que la locataire avait réalisé des aménagements et des installations dans les lieux avant de se réinstaller dans un autre local à l’issue de son éviction ; qu’il en résulte que la locataire était en droit de prétendre à une indemnité au titre des frais de réinstallation ; que, par ces motifs substitués à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ; »
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] 3ème civ, 13 juin 1969, n°67-13575
[2] Cass com., 30 novembre 1964, 61-12755
[3] 3ème civ, 27 novembre 2012, n°11-15373
[4] 3ème civ, 21 mai 2014, n°13-10257
[5] 3ème civ, 1er juillet 2003, n°02-13.083