Bail commercial VS bail à construction : le régime n’est pas le même !

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

SOURCE : Cass. civ 3ème, 16 février 2022, n°21-11429, Inédit

I –

Dans le faits de l’arrêt commenté par CHRONOS, par acte authentique du 6 novembre 1989, un bail à construction, prenant fin au 31 janvier 2019, a été consenti à une SCI.

Un bâtiment à usage de supermarché y a été édifié sur le terrain objet du bail.

Suite à un différend, une ordonnance du juge en date du 29 juillet 2019 a accordé à  la SCI un délai, expirant le 30 novembre 2019, pour restituer les locaux au bailleur.  Ce délai expiré, le bailleur a fait délivrer à la SCI un commandement de quitter les lieux avant le 10 décembre 2019. Le 4 décembre 2019, la SCI sollicite auprès du juge de l’exécution un délai expirant le 31 janvier 2021 pour quitter les lieux.

II –

Le bailleur fait grief à l’arrêt d’accorder au locataire un délai pour quitter le terrain et les locaux aux motifs que les parties se sont entendues sur la qualification de bail à construction soumis aux dispositions des articles L251-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation ; qu’en retenant la qualification de « bail commercial » le bail à construction, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles 4 (fixation de l’objet du litige par les prétentions des parties) et 16 (principe du contradictoire) du Code de procédure civile.

III –

La Haute juridiction relève dans son dispositif, que les parties se sont entendues sur la qualification de bail à construction soumis aux dispositions des article L251-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation ; la Cour d’appel a violé l’article 4 du Code de procédure civile.

IV –

Il est clairement établi qu’en matière de bail à construction, la législation régissant les baux commerciaux n’est pas applicable[1].

Afin de retenir le critère de bail commercial, les juges retiennent également que le contrat prévoit par exemple une reconduction tacite, ce qui est impossible en matière de bail à construction, ainsi qu’une révision triennale du loyer. Ils retiennent, dans ces conditions, que le bailleur, pour mettre fin au contrat, a l’obligation de délivrer au preneur un congé pour une date bien définie et avec offre d’indemnité d’éviction[2].

A l’inverse, la Haute juridiction a pu juger d’un contrat, (i) qui prévoyait expressément l’obligation d’édifier un snack-bar de montagne, le preneur étant tenu d’achever sa construction dans les trois ans de l’obtention du permis de construire, sous peine de voir le contrat résilié de plein droit, et (ii) d’une durée de trente ans, publié au service de la publicité foncière que ces éléments étaient révélateurs de l’intention des parties de conclure principalement un bail à construction et non un bail commercial, même si un restaurant était exploité au sein des locaux construits.

Dans ces conditions, à l’issue du délai, les exploitants du restaurant deviennent occupants sans droit ni titre, et, en aucun cas, ne peuvent se prévaloir d’une prorogation tacite du bail. L’expiration du bail à construction s’accompagne également de l’extinction de tous les droits réels et charges qui en découlent comme, en l’espèce, la fin de l’exploitation de l’activité de restauration[3].

D’autre part, l’intitulé du contrat n’est pas déterminant pour qualifier le contrat litigieux. Ainsi, un contrat conférant au preneur l’exploitation commerciale d’un garage, à charge pour lui de construire le bâtiment, peut constituer un bail à construction, nonobstant la mention « bail commercial » figurant sur la couverture du document non signée par les parties. En l’espèce, l’obligation de construire n’était pas rédigée de façon subsidiaire ou hypothétique, mais constituait l’élément essentiel du contrat qui définissait très exactement le contenu de l’engagement de construire du preneur et la nature de la construction à réaliser[4].

En tout état de cause, les juges doivent rechercher si le preneur s’est engagé à édifier des bâtiments pour faire prévaloir le bail à construction sur le bail commercial[5].

[1] TGI ARRAS, 1ère ch., 20 avril 1988

[2] Cass. civ 3ème, 2 juillet 2008, n°07-16071

[3] Cass. civ 3ème, 5 novembre 2008, n°07-18174, Inédit

[4] CA de PARIS, 16ème ch., 6 septembre 2000, n°1998/02554

[5] Cass. civ 3ème, 12 mai 2010, n°09-14387, Inédit

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