Bail commercial, Application dans le temps de la loi Pinel et droit de préférence du locataire commercial

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Aux termes de son arrêt du 29 février 2024, la Cour de cassation poursuit son œuvre de construction doctrinale sur l’application dans le temps de la loi Pinel, cette fois-ci au droit de préférence du locataire commercial.

SOURCE : Cass. civ 3ème, 29 février 2024, n°22-24381, Inédit

Dans son arrêt du 29 février 2024, la Haute Cour avait à trancher l’application des dispositions de l’article L145-46-1 du Code de commerce, relatives au droit de préférence du locataire commercial, à un compromis de vente signé avant le 18 décembre 2014, date d’entrée en vigueur des dispositions précitées à toute cession d’un local intervenant à compter de cette date.

A la base du contentieux soumis à la censure de la troisième chambre civile, une promesse synallagmatique de vente conclue le 7 novembre 2014 portant sur un local commercial, soumise à plusieurs conditions suspensives, dont « la renonciation par leur titulaire (…) à tout droit de préemption et/ou pacte de préférence susceptible de frapper [le bien]) ».

Précautionneux, le notaire rédacteur de l’acte avait notifié à la locataire les conditions de la vente, en visant expressément les dispositions de l’article L145-46-1 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi Pinel n°2014-626 du 18 juin 2014.

Après avoir notifié l’exercice du droit de préférence, le notaire a informé le locataire de l’erreur commise dans la notification, et d’une régularisation de la vente par acte authentique du 16 janvier 2015.

Le locataire a assigné le vendeur, l’acquéreur et le notaire en annulation de la vente, et réalisation forcée de celle-ci à son profit, outre indemnisation des préjudices subis.

Echec devant la Cour d’appel qui relève :

  • D’une part, qu’à la date de la signature de la promesse synallagmatique de vente, antérieure au 18 décembre 2014, les dispositions de l’article L145-46-1 du Code de commerce n’étaient pas applicables, de sorte que le locataire n’était titulaire d’aucun droit légal de préférence sur l’immeuble, l’erreur du notaire n’ayant pu lui ouvrir un tel droit ;
  • Que les dispositions de l’article 1179 du Code civil, applicables au litige, disposaient que la condition accomplie avait un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté. La vente ayant été définitivement conclue le 7 novembre 2014, aucun droit légal de préférence ne pouvait exister au profit du locataire, peu importe que les conditions suspensives n’étaient pas levées à cette date.

Le locataire n’est pas plus couronné de succès devant la Cour de cassation, qui fait droit en tous points à l’argumentation de la Cour d’appel.

La solution n’est pas nouvelle, puisque la Cour d’appel de PARIS avait déjà jugé que le droit de préférence ne s’appliquait pas dès lors que le compromis avait été signé avant la date d’entrée en vigueur de la loi Pinel, peu important que la vente n’avait pas été définitivement conclue en raison de l’existence d’une condition suspensive d’obtention du prêt bancaire (CA PARIS, 9 octobre 2019, n°17/16417).

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