Atteinte à la paternité d’une œuvre par appropriation

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

SOURCE : Tribunal de Grande Instance de Lyon, 3ème Chambre, Cabinet 3 C, 16 mai 2017, L’Atelier Lumière et M. X. / Les Eclaireurs et M. Y.

 

Monsieur Y. a travaillé pour le compte de la société L’Atelier Lumière, agence de créations de lumières, de 2006 à 2008. Suite à son départ, Monsieur Y. a créé la société Les Eclaireurs, exerçant la même activité.

 

La société L’Atelier de Lumière a assigné la société Les Eclaireurs en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire, après avoir fait constater par huissier sur le site Internet www.leseclaireurs.net, que Monsieur Y. se présentait comme l’auteur du travail de créations de lumières lui appartenant.

 

Aux termes des débats judiciaires, chaque partie a revendiqué la titularité des droits d’auteur sur les œuvres litigieuses, comme suit :

 

– Monsieur Y. prétendait être le seul créateur desdites œuvres, dès lors que, sans l’intervention d’autres membres de la société L’Atelier des Lumières, il aurait esquissé les projets, se serait rendu sur place, aurait recherché les produits et les fabricants nécessaires à l’élaboration des œuvres, fait les essais, réalisé les plans et rédigé le dossier de présentation ;

 

– Pour sa part, la société L’Atelier de Lumière invoquait la qualification d’œuvres collectives, la rendant titulaire initiale des droits d’auteur.

 

L’article L.113-2 du Code de propriété intellectuelle définit l’œuvre collective en ces termes : « est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».

 

En application de l’article L.113-5 du même code, l’œuvre collective est « sauf preuve du contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur ».

 

La qualification d’œuvre collective a ainsi la particularité de permettre à une personne morale d’être investie à titre originaire des droits d’auteur sur une oeuvre de l’esprit, ce qui excède la notion de « titularité», qui peut s’acquérir par une simple cession des droits par l’auteur personne physique.

 

Seulement, cette qualification exige de rapporter la preuve, au cas par cas, que la personne morale est à l’initiative de l’œuvre, qu’elle a endossé un rôle prépondérant à tous les stades de la création, de telle sorte que l’œuvre se trouve marquée par sa maîtrise d’œuvre intellectuelle, et qu’elle exploite l’œuvre sous son nom, peu importe que les différents contributeurs soient par ailleurs mentionnés.

 

La difficulté réside dans le fait qu’une œuvre collective est composée de contributions personnelles, qui peuvent conserver un caractère individualisable, mais qui se fondent dans l’œuvre d’ensemble, rendant par là même impossible la reconnaissance à leur profit d’un droit d’auteur sur le tout.

 

En l’espèce, s’agissant de chacun des projets revendiqués, la juridiction reconnaît que la société L’Atelier de Lumière a pris l’initiative de la réalisation du dossier de présentation de l’œuvre envisagée, d’ailleurs exploitée sous le nom de cette société, bien que Monsieur Y. soit indiqué comme concepteur lumière.

 

Mais encore, plusieurs pièces permettent d’observer que d’autres membres de la société sont intervenus dans le processus de création, Monsieur Y. ayant été soumis à des instructions précises, sans bénéficier de la qualité de chef de projet.

 

Le Tribunal reconnaît donc à la société L’Atelier de Lumière la qualité d’auteur d’œuvres collectives et condamne en conséquence Monsieur Y., pour non-respect du nom de l’auteur, conformément à l’article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle, au paiement de dommages et intérêts, outre des mesures d’interdiction d’utiliser tout ou partie des dossiers de présentation constituant les œuvres collectives propriété de la demanderesse.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

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