SOURCE : CEPC, avis n° 16-1, 14 janv. 2016 .
Fin 2013, la CEPC est saisie par un avocat afin de recueillir son avis sur le champ d’application dans l’espace des règles du Code de commerce relatives aux délais de paiement. La question est de savoir s’il est possible d’écarter l’application des dispositions de l’article L. 441-6 du Code de commerce plafonnant les délais de paiement à un contrat international de vente de marchandises conclu entre un fournisseur français et un client étranger (établi dans un Etat membre de l’Union européenne), lorsque ce contrat est soumis à la compétence du juge et de la loi de l’Etat étranger dans lequel le client est établi.
Pour rappel, l’article L.441-6 du Code de commerce prévoit que le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser 60 jours nets à compter de la date d’émission de la facture ou, à titre dérogatoire, 45 jours fin de mois, sous réserve que ce délai dérogatoire soit inscrit dans le contrat et ne constitue pas une discrimination manifeste à l’égard du créancier. En outre, le délai de paiement des factures périodiques (prévues à l’article 289 I 3° du Code général des impôts) ne peut dépasser 45 jours à compter de la date d’émission de la facture. A défaut de délai convenu entre les parties, un délai supplétif s’applique, d’une durée de 30 jours à compter de la réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.
Concrètement, la Commission est interrogée sur le point de savoir s’il serait toujours possible pour l’Administration française de poursuivre les parties au contrat de vente devant le juge français sur le fondement des dispositions du Code de commerce.
En effet, l’article L.441-6 VI du Code de commerce prévoit que les professionnels qui ne respecteraient pas ces dispositions encourent une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75.000 € pour une personne physique et 375.000 € pour une personne morale, avec publication envisageable de la sanction sur tous supports.
En d’autres termes, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), autorité administrative gendarme des pratiques commerciales, peut-elle condamner un acheteur étranger à une amende administrative lorsqu’il viole les dispositions impératives de l’article L.441-6 du Code de commerce sur les délais de paiement ?
La CEPC estime qu’en l’état du droit positif, les sanctions administratives qui viennent assortir le dépassement des délais impératifs de paiement pourront être mises en œuvre dans les rapports entre un vendeur français et un acheteur étranger malgré la soumission du contrat à la loi interne d’un État étranger, notamment lorsque l’ensemble de la relation commerciale se déroule en France.
Néanmoins, en présence d’une clause attributive de juridiction désignant une juridiction étrangère et d’une clause d’electio juris désignant une loi étrangère, le juge étranger saisi d’une action de nature civile garde les mains libres pour refuser de tirer les conséquences civiles de la violation du droit français.
En résumé, si l’ensemble de la relation commerciale se déroule en France, et malgré l’établissement à l’étranger de l’acheteur, les règles d’ordre public économique de l’article L.441-6 du Code de commerce doivent s’appliquer, et la DGCCRF conserve tout pouvoir pour sanctionner le contrevenant étranger sur le plan administratif.
En 2013, la CEPC avait déjà estimé que « dans les rapports contractuels entre un fournisseur étranger et un client français, il est permis de penser qu’en l’état du droit positif le taux plancher des pénalités pour retard de paiement s’applique dès lors que les produits ou services contractuels sont distribués en France. En revanche, ce taux ne s’applique pas aux contrats liant ce fournisseur étranger à ses clients étrangers dès lors que les produits ou services contractuels sont distribués à l’étranger »[1].
En 2015, elle précisait également qu’ « au niveau international, l’application dans l’espace de la loi LME du 4 août 2008, telle que codifiée dans le titre IV du livre IV du Code de commerce, ne peut être envisagée en bloc, mais seulement disposition par disposition, en distinguant celles dont l’inobservation est sanctionnée pénalement et celles dont l’inobservation est sanctionnée civilement »[2].
Dans la perspective du développement sans cesse accru du marché unique européen, ces avis demeurent toujours éclairants, en attendant que la jurisprudence se prononce.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1]CEPC, avis no 13-07, 27 mai 2013
[2]CEPC, avis no 15-08, 26 mars 2015