Source : Cass., com., 18 septembre 2019, FS-P+B+R, pourvoi n° 18-12.601
I – LES FAITS
I – 1.
La société EDF gère le réseau public d’électricité en Corse.
De leur côté, la société CORSICA SOLE et ses deux filiales (CORSICA SOLE 2 et CORSICA SOLE 3) ont pour activité la production d’électricité de source photovoltaïque.
Fin 2009, les deux filiales précitées ont conclu des contrats d’achat d’électricité avec EDF.
À cette date, l’achat d’électricité se réalise à des conditions avantageuses pour ces producteurs en application d’un dispositif attractif instauré par un arrêté du 10 juillet 2006, puis par un arrêté du 12 janvier 2010 qui abroge le premier arrêté.
I – 2.
Un litige toutefois entre les parties puisque les filiales productrices d’électricité de source photovoltaïque reprochEnt à EDF de n’avoir pas respecté son obligation de leur transmettre une convention de raccordement dans le délai maximal de trois mois à compter de leur demande de raccordement de leur installation de production d’électricité d’origine photovoltaïque à ce réseau.
Les filiales CORSICA SOLE 2 et CORSICA SOLE 3 ainsi que leur société mère ont donc assigné EDF en réparation du préjudice résultant de la perte de la chance de réaliser les gains qu’aurait permis l’application des tarifs alors en vigueur et dont elles n’ont pu bénéficier en raison de leur soumission au régime du moratoire instauré par le décret du 9 décembre 2010, les obligeant à présenter une nouvelle demande sur la base de tarifs inférieurs.
De manière plus précise, la faute reprochée à EDF tient à ce qu’elle n’a pas exécuté la convention de raccordement en raison du non-respect du délai de trois mois pour répondre à la demande de raccordement rendant alors impossible l’exécution du contrat d’achat.
II – POSITION DE LA COUR DE CASSATION
II – 1. Quid de l’une éventuelle aide d’Etat ?
Avant de trancher la question de l’indemnisation du préjudice qu’auraient subi les demanderesses, la Cour de cassation s’interroge sur l’éventuel caractère avantageux des tarifs issus de l’arrêté de 2010 en comparaison avec ceux pratiqués en application de l’arrêté du 4 mars 2011.
Pour mémoire, la Haute juridiction rappelle au visa de l’article 107 du Traite sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) les critères cumulatifs que doit remplir le bénéficiaire de l’aide pour que celle-ci soit qualifiée d’aide d’Etat. Ainsi, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, constituent des aides d’Etat :
1. Dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres ;
2. Les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat, sous quelque forme que ce soit ;
3. Qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ;
En l’espèce, la Cour de cassation estiment que « l’arrêté du 12 janvier 2010 ayant pour effet d’obliger la société EDF à acquérir l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans le cadre de référence du marché libéralisé de l’électricité au sein de l’Union européenne, favorisait, de manière sélective, les producteurs de l’électricité ayant cette origine ; Que l’électricité de source photovoltaïque ayant vocation à se substituer à l’électricité produite par d’autres moyens technologiques et le marché de l’électricité ayant été libéralisé, ce régime d’aide était de nature à affecter les échanges entre Etats membres et à fausser la concurrence au détriment d’autres entreprises productrices d’électricité ; Qu’il en résulte que le mécanisme d‘obligation d’achat par la société EDF de l’électricité photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché, mis en exécution par l’arrêté du 12 janvier 2010, constituait une aide d’Etat ».
La Cour rappelle au passage que les juges du fond ont l’obligation de se pencher sur la qualification ou non de l’aide d’Etat.
II – 2. L’exclusion de toute exemption de notification de l’aide d’Etat auprès de la Commission européenne et la caractérisation illégale de cette aide d’Etat
La Cour précise dans le prolongement de la précédente démonstration que l’aide d’État ne saurait bénéficier d’aucune des exemptions de notification admises puis finit par la déclarer illégale dès lors qu’aucune de notification auprès de la Commission européenne, « indépendamment de son éventuelle compatibilité ou incompatibilité avec le marché intérieur », n’a été faite.
II – 3. Quid de la réparation du préjudice né de la perte de la chance de bénéficier d’un tarif procédant d’une aide d’État illégale ?
Puisque « ce mécanisme, mis en œuvre dans les conditions définies par l’arrêté du 12 janvier 2010, n’a pas été notifié à la Commission européenne, préalablement à sa mise en exécution, dans les formes prévues par le règlement 784/2004 », l’aide est donc illégale.
Par conséquent, « les pétitionnaires ne sont pas fondés à invoquer un préjudice constitué de la perte de la chance de bénéficier d’un tarif procédant d’une aide d’Etat illégale, un tel préjudice n’étant pas réparable ».