Agrément en vue du transfert des déficits en cas de fusion

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : Conseil d’Etat 2/04/2021 n°429319

 

En cas de fusion, lorsque la société absorbée dispose de déficits, ceux-ci sont normalement perdus suite à son absorption.

 

Compte tenu de l’intérêt que ces déficits peuvent représenter pour la société absorbante, l’article 209 du CGI prévoit qu’un agrément peut être sollicité auprès de l’administration fiscale pour le transfert des déficits afin que ceux-ci soient imputables sur les bénéfices ultérieurs de la société absorbante.

 

L’agrément est soumis aux conditions suivantes[1] :

 

1.  L’opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ;

 

2.  L’activité à l’origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n’a pas fait l’objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d’emploi, de moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité ;

 

3.  L’activité à l’origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l’objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d’emploi, de moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité ;

 

4.  Les déficits et intérêts susceptibles d’être transférés ne proviennent ni de la gestion d’un patrimoine mobilier par des sociétés dont l’actif est principalement composé de participations financières dans d’autres sociétés ou groupements assimilés ni de la gestion d’un patrimoine immobilier.

 

En l’espèce, l’administration fiscale a refusé l’agrément au contribuable au motif que l’activité avait subi des changements significatifs pendant la période au cours de laquelle le déficit dont il était demandé le transfert avait été constaté. L’administration fiscale avait relevé que la société absorbée avait perdu l’intégralité de son effectif salarié au profit du recours à du personnel extérieur à l’établissement et que son actif brut corporel avait été réduit de 65 % après la cession d’installations techniques, matériel et outillages industriels et de matériel de transport, traduisant notamment la suppression totale de sa flotte de camions du fait de l’externalisation de l’activité de transport.

 

Le Conseil d’Etat annule la décision de la Cour Administrative d’Appel ayant validé la position de l’administration. Il juge « qu’une diminution par la société absorbée, au cours de cette période, de son emploi et des moyens d’exploitation qu’elle met en œuvre, ne saurait à elle seule, lorsqu’elle est destinée à assurer le maintien du volume de l’activité à l’origine des déficits, être regardée comme un changement significatif d’activité justifiant le refus de l’agrément sollicité ».

 

Le Conseil d’Etat invite les juridictions du fond à apprécier les changements intervenus et leurs conséquences.

 

En l’espèce, il relève qu’en dépit de la suppression de l’effectif salarié au profit d’intervenants extérieurs et de la cession des immobilisations du fait de l’externalisation de l’activité de transport, la société absorbée avait maintenu son chiffre d’affaires de sorte qu’il ne pouvait être soutenu que ces éléments constituaient un changement significatif de l’activité. Ces choix avaient en réalité pour objectif de réorganiser l’activité et non de la modifier.

 

Le Conseil d’Etat adopte ainsi une approche pragmatique des modifications qui pourraient intervenir au cours de la période de la constatation des déficits dont le transfert est demandé et s’attache à leurs conséquences uniquement. Le simple fait que des modifications interviennent n’est pas suffisant en soit pour refuser le transfert des déficits.

 

[1] On rappelle que la loi de finances pour 2019 a instauré un transfert de plein droit des déficits lorsque ceux-ci sont inférieurs à 200 000 € cf notre newsletter : http://vivaldi-chronos.com/droit-fiscal/groupe-de-societe/transfert-des-deficits-de-la-societe-absorbee-en-cas-de-fusion/

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