SOURCE : Arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 31 mars 2021, n°19-12.045 (F-P rejet)
Le PDG d’une société anonyme, entré en fonction le 30 janvier 2006, s’est octroyé plusieurs augmentations de rémunération sans avoir obtenu préalablement une décision du Conseil d’Administration, dont certaines très conséquentes.
Un procès-verbal du Conseil d’Administration du 1er avril 2010 est venu fixer la rémunération du PDG pour l’exercice en cours 2010/2011 entérinant de fait les augmentations que le PDG s’était octroyées antérieurement.
Les comptes de l’exercice clos le 31 mars 2011 ayant fait apparaître un déficit ayant pour origine des malversations commises par le PDG, celui-ci a été révoqué de ses fonctions de Président Directeur Général et licencié le 27 juillet 2011.
Par suite, le Commissaire aux comptes a le 25 août 2011 adressé une lettre de révélation au Procureur de la République qui a donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire pour abus de biens sociaux, à l’issue de laquelle le PDG révoqué a été poursuivi devant le Tribunal Correctionnel et condamné pénalement et civilement.
La société a estimé que son Commissaire aux comptes avait manqué à ses obligations professionnelles en ne l’alertant pas sur les malversations commises et l’a par suite assigné en réparation de son préjudice.
La Cour d’Appel de Reims, dans un arrêt du 11 décembre 2018, ayant accueilli les demandes de la société et condamné le Commissaire aux comptes au paiement d’une somme de 71.088,50€ au titre de la perte de chance d’éviter les détournements ayant pris la forme d’une augmentation de rémunération du PDG à compter du 1er avril 2009,
La Cour a estimé que le Commissaire aux comptes avait manqué à son obligation légale de vérification de la sincérité de la rémunération du PDG au cours de l’exercice 2009/2010 en étant resté inerte et attendant de devoir procéder au seul contrôle sur place des pièces comptables une fois l’exercice achevé, et considéré qu’un tel comportement était constitutif d’une négligence fautive compte tenu de sa mission permanente de contrôle.
En suite de cette décision, le Commissaire aux comptes forme un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi il prétend que si le Commissaire aux comptes a un pouvoir de contrôle permanent de la société qui lui permet de procéder à des investigations quand il le juge utile, il n’est pourtant pas chargé du contrôle permanent de la comptabilité et qu’en l’absence d’anomalie apparente, le Commissaire aux comptes n’est donc nullement tenu de procéder à des investigations approfondies en cours d’exercice.
Mais la Chambre Commerciale de la Haute Cour ne va pas suivre le Commissaire aux comptes dans son argumentation.
Soulignant que les augmentations de rémunération du Président intervenues d’année en année et portant sur des montants très substantiels, ceci sans décision préalable du Conseil d’Administration, auraient dû conduire nécessairement le Commissaire aux comptes à effectuer des vérifications plus approfondies, et que celui-ci n’a accompli aucune démarche pour se faire communiquer le procès-verbal du Conseil d’Administration du 1er avril 2010 fixant la rémunération du Président pour l’exercice en cours, afin de vérifier la rémunération au cours de cet exercice,
Par suite, c’est sans avoir mis à la charge du Commissaire aux comptes un devoir de contrôle permanent des comptes ni omis de prendre en considération le procès-verbal de la réunion du Conseil d’Administration du 1er avril 2010, que la Cour d’Appel a retenu que le Commissaire aux comptes avait manqué à son obligation légale de vérification de la sincérité de la rémunération du dirigeant social et commis une négligence fautive, d’une part, en n’interpellant pas les organes compétents de la société et en ne formulant aucune observation ou réserve lors de la certification des comptes, et, d’autre part, pour l’exercice suivant, en ne veillant pas à s’assurer suffisamment de la sincérité de l’information relative à la rémunération du dirigeant et en restant inerte dans l’attente de devoir procéder au seul contrôle sur place des pièces comptables une fois l’exercice achevé.
Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.