Abandon de créance au profit d’une filiale et acte anormal de gestion

Coralie MOREAU
Coralie MOREAU - Avocat

Source : Cour administrative d’appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 08/03/2022, 19BX04963

Pour rappel, lorsqu’une entreprise renonce à des recettes ou abandonne des créances au profit d’un tiers, sa gestion commerciale ne peut être qualifiée de normale. Dans un tel cas, un acte anormal de gestion est relevé sauf dans certaines conditions selon que les aides sont à caractère commercial ou à caractère financier.

  Aides à caractère commercial

L’article 39-13 alinéa 1 et 2 du Code général des impôts prévoit que « sont exclues des charges déductibles pour l’établissement de l’impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l’exception des aides à caractère commercial ».

Lorsqu’une aide est à caractère commercial, l’entreprise doit démontrer qu’elle a agi dans son propre intérêt en effectuant de tels abandons.

Afin qu’un tel acte de gestion ait un caractère normal et que les aides ainsi consenties puissent être déduits de ses résultats imposables, l’entreprise doit justifier de la contrepartie qu’elle titre d’un tel acte à la date à laquelle l’aide est intervenue. Elle doit ainsi démontrer que c’est pour préserver notamment des intérêts commerciaux.

Lors d’un contrôle, l’administration doit apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour qualifier l’acte anormal de gestion au regard de l’aide consentie. Toutefois, cette preuve est réputée apportée lorsque l’entreprise ne peut pas justifier qu’elle a bénéficié de contreparties en agissant ainsi.

Si les conditions sont satisfaites et que les aides apportent une contrepartie équivalente à la société qui les consent, celles-ci seront déductibles du résultat pour la société qui les accorde et imposables chez la société qui les reçoit.

  Aides à caractère financier

Les aides sont dites à caractère financier lorsqu’elles sont consenties pour un motif autre que commercial.

Par principe, ces aides ne sont pas déductibles même si la société qui les accorde y a un intérêt.

Néanmoins, une telle aide sera justifiée et l’acte anormal de gestion ne sera pas qualifié lorsqu’une entreprise prévient les conséquences de difficultés financières d’une filiale qui est placée en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. La société doit y avoir un intérêt mais il n’est pas nécessaire que la société et la filiale entretiennent une relation commerciale.

Dans ce cas, les aides sont déductibles dans un certain plafond correspondant à la situation nette négative de l’entreprise qui en bénéficie et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d’autres personnes que l’entreprise qui consent les aides. La situation de la filiale est toutefois appréciée à la date de clôture de l’exercice en cours et non à la date à laquelle l’aide est consentie.

En l’espèce, une société a cédé à une filiale, détenue à hauteur de 98,70 %, divers biens pour un montant de plus de 368 000 €. Cette somme n’a fait l’objet d’aucun règlement.

La société a ensuite consenti à sa filiale, sous condition résolutoire d’un retour à meilleure fortune, un abandon de créance correspondant à cet impayé ainsi qu’à des avances en compte-courant d’associée non remboursées.

Lors d’une vérification de comptabilité de la société, l’abandon de créance a été qualifié comme une aide à caractère financier qui est, par principe, non déductible si elle n’est pas faite à une filiale en difficulté. La somme ainsi déduite au titre d’abandon de créance a été réintégrée au résultat imposable.

L’affaire a été portée devant le tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt.

La Cour confirme l’acte anormal de gestion au regard que l’abandon de créance ne présente pas un caractère commercial.

En effet, la Cour juge que la société n’apporte pas la preuve du caractère commercial pour les raisons suivantes :

  La société ne justifie pas que l’abandon de créance a permis d’éviter la rupture de confiance entre elle et la société avec laquelle elle entretenait des liens avant la cession des biens à sa filiale ;

  La société ne pouvait imputer aux difficultés de sa filiale la perte du chiffre d’affaires qui était réalisée avant la cession des biens.

La société justifiait également que l’aide avait permis de continuer de commercialiser sa technologie auprès de sociétés phares dans le secteur et que cela se serait produit si la filiale avait fait l’objet d’une procédure collective.

Toutefois, la Cour estime qu’il n’y a pas de relation commerciale entre la société et sa filiale compte tenu de l’absence de chiffre d’affaires généré.

Pour ces raisons, l’abandon de créance ne présentait pas un caractère commercial.

La question se posait ainsi de savoir si l’aide pouvait être à caractère financier et être déductible si elle est accordée à une entreprise placée en procédure collective.

Une telle déduction a été rejetée dès lors que l’abandon de créance a été octroyée en juin 2014 et que la filiale a été placée en procédure de sauvegarde par un jugement du 24 septembre 2014.

La situation aurait été différente si l’aide avait été accordée après le jugement ayant placé la filiale sous procédure collective.

Cette nouvelle affaire vient rappeler qu’il est souvent difficile de justifier le caractère commercial d’un abandon de créance.

Il est important de rappeler que lorsqu’une aide est consentie à une filiale, celle-ci ne peut être déductible du résultat de la société qui l’octroie que si elle y a des contreparties équivalentes. Celles-ci doivent être réfléchies et justifiées avant l’octroi de l’aide afin d’éviter toute requalification par l’administration.

De plus, une réelle relation commerciale doit exister entre la société mère et sa fille

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